L’impérialisme français en Kanaky et la juste lutte d’un peuple

Alors que le troisième référendum pour l’indépendance de la Kanaky (Nouvelle-Calédonie) prévu le 12 décembre prochain approche, les indépendantistes kanaks réclament son report à cause de la situation sanitaire. Alors qu’ils appellent au boycott, l’Etat français le maintient.

Ce référendum est prévu par les accords de Nouméa signés en 1998, qui prévoient une décolonisation par étape de l’île, via un processus référendaire. La première consultation doit avoir lieu en 2018, et à l’issue de celle-ci, si le « non » gagne d’une trop courte majorité, il est possible d’organiser jusqu’à encore deux référendums. Le 4 novembre 2018, le « non » est ainsi victorieux d’une courte tête (56,7 %) et il est alors décidé de procéder à une deuxième consultation, ayant lieu le 4 octobre 2020. Celle-ci obtient 53,3 % de « non » , il est donc décidé de mettre en place une troisième et dernière consultation, qui doit avoir lieu le 12 décembre 2021.

Cet accord fait suite à une longue tradition de lutte anti-colonialiste sur l’île. Colonisée par Napoléon III en 1853, qui l’exploita d’abord pour y construire un bagne, avant que l’on y découvre de nombreux gisements de nickel, l’île vit s’installer une population nombreuse, de colons libres ou de bagnards. Le peuple kanak, résident originel de l’île, est alors persécuté : on les dépossède progressivement de leurs terres pour que les européens puissent les exploiter, et ils sont massacrés. Leur population réduit de moitié entre 1853 et 1920. En 1878, une grande révolte kanak éclate, dirigée par le chef Ataï. Ils parviennent à mettre en défaut l’Etat français, qui n’arrive à les mater qu’en s’alliant à d’autres tribus kanaks. Le code de l’indigénat est instauré en 1887. Les kanaks sont alors parqués dans des réserves et privés de leurs droits politiques. Ils sont strictement séparés d’un point de vue juridique des européens vivant sur l’île. En 1894, la Nouvelle-Calédonie est déclarée „colonie de peuplement libre“, et l’Etat français se proclame propriétaire de la majorité des terres, le reste étant attribué aux colons. En 1917, une nouvelle révolte éclate. La première guerre mondiale a réveillé un sentiment patriotique chez beaucoup de peuples colonisés, et le départ de 2000 „volontaires désignés“ pour le front a fortement impacté la vie des villages et les exploitations agricoles. La révolte part de la réunion de plusieurs conseils de guerre entre chefs de tribus, et les kanaks s’en prennent aux propriétés des colons. Ils sont violemment réprimés par l’administration coloniale : massacres, incendie de villages, destruction de cultures. A la fin du conflit, on estime que seulement 12 colons ont été tués, pour un total de 300 kanaks massacrés ou morts en prison. 75 kanaks seront jugés, 5 d’entre eux sont condamnés à mort, le reste est condamné au travail forcé ou à la prison à perpétuité. C’est comme cela que s’exprime l’administration coloniale, par la violence : on massacre d’abord, on juge et condamne ensuite. La violence de l’impérialisme français atteint le paroxysme de la déshumanisation en 1931, lors de l’exposition coloniale, où des kanaks sont enfermés dans des cages et exposés à la vue de tous, et présentés comme des cannibales (Didier Daeninckx expose l’horreur de ce zoo humain dans son roman Cannibales, publié en 1998).

C’est avec l’abolition du code de l’indigénat en 1946 que les kanaks s’organisent en partis politiques pour lutter pour leur indépendance, et principalement l’Union calédonienne (UC). Fondée en 1953 et de tendance modérée, l’UC appelle dans un premier temps à la réconciliation entre les blancs calédoniens et les kanaks, avant qu’en 1977 elle ne prenne clairement position pour l’indépendance, sous l’influence de ses deux nouveaux leaders, Eloi Machoro et Jean-Marie Tjibaou. On voit apparaître en 1969 un nouveau mouvement politique, les „Foulards Rouges“, fondé par Nidoïsh Naisseline. Ils manifestent contre le pouvoir colonial, foulard rouge autour du cou, en investissant les bars de Nouméa interdits aux kanaks. Naisseline et 12 de ses camarades sont arrêtés en septembre 1969 pour avoir distribué des tracts, et des émeutes éclatent en réaction. Plus que le créateur d’un mouvement politique, Naisseline est le premier véritable théoricien du nationalisme kanak. Inspiré par Frantz Fanon, grand théoricien et militant anti-colonial martiniquais, qui a notamment développé la question spécifique des noirs africains et antillais et s’est impliqué dans la lutte de libération nationale algérienne, Naisseline a publié de nombreux textes instituant une véritable vision politique pour l’indépendantisme kanak.

Dans les années 70 et au début des années 1980, les différents gouvernements français rédigent de nouveaux statuts concernant l’administration de l’île. Donnant quelques miettes d’autonomie d’une main, et reculant sur de nombreux points de l’autre, cela a abouti à une situation ayant tendance à agacer les kanaks, voyant l’indépendance s’éloigner de plus en plus. En 1979, les principales organisations indépendantistes kanaks se réunissent pour former le Front indépendantiste (FI). On y retrouve entre autres l’Union calédonienne, le Parti de libération kanak (PLK) qui le quitte en 1981, le mouvement Libération kanake socialiste (LKS) dirigé par Naisseline et le Front uni de libération kanak (FULK), ce dernier étant par ailleurs partisan de la lutte armée. Le FI se dissout en 1984 pour qu’une nouvelle coalition se forme, le Front de libération nationale kanake socialiste (FLNKS) qui milite pour l’Indépendance kanake et socialiste (IKS), sous la présidence de Jean-Marie Tjibaou.     

  


Au début des années 1980, les tensions montent, et les kanaks manifestent et barrent les routes. Les loyalistes envers l’Etat français investissent l’Assemblée territoriale pour protester contre l’élection en 1982 de Jean-Marie Tjibaou au poste de Vice-président du Conseil de gouvernement de Nouvelle-Calédonie.  En 1983 le nouveau ministre de l’Outre-Mer Georges Lemoine présente aux chefs des camps indépendantistes et loyalistes un nouveau statut pour l’île, le statut Lemoine. Alors que les indépendantistes, qui exigeaient et espéraient que seule la population kanake puisse se prononcer lors du référendum de 1989, le RPCR, parti politique représentant la droite calédonienne coloniale, refuse de signer cette déclaration. Le statut Lemoine est ainsi amputé de son caractère pleinement décolonisateur. En représailles, le FLNKS appelle au boycott des élections territoriales de 1984. L’un des leaders du mouvement indépendantiste, Eloi Machoro brise une urne électorale et les kanaks bloquent les routes par des dizaine de barricades. C’est le début de ce qui sera appelé hypocritement plus tard « Les événements politiques de Nouvelle-Calédonie », mais qui est en réalité une véritable lutte de libération nationale. Le peuple kanak décide alors de prendre son destin en main en se saisissant des armes pour tenter de conquérir le pouvoir. Le 20 novembre 1984, les kanaks, menés par Machoro, assiègent la ville de Thio dirigée par le maire Front national Roger Galliot. Véritable fief des anti-indépendantistes, ainsi qu’importante réserve de nickel, cette opération a un double intérêt stratégique : il s’agit de s’en prendre directement à la manne financière de l’impérialisme français, ainsi que de porter un coup puissant aux ennemis du peuple kanak.  Le siège est levé le 12 décembre a l’arrivée de l’armée.  Le 5 décembre, une embuscade organisée près de Hienghène par des éleveurs caldoches (terme utilisé pour désigner les colons blancs) fait 10 morts. Les kanaks répliquent en incendiant des propriétés de colons. A la fin de l’année, le FLNKS proclame un gouvernement provisoire, et en 1985 crée les Comités de lutte unitaire, bases du nouveau pouvoir. Les indépendantistes mènent le boycott «organisé» des écoles françaises (les indépendantistes interdisent aux familles kanak de mettre leurs enfants dans ces écoles), et crée en parallèle leur propre système scolaire au sein des «écoles populaires kanaks» (EPK) dans les territoires qu’ils contrôlent.

A l’inverse, les colons caldoches s’organisent autour du RPCR ainsi que du Front national et forment leurs propres milices armées, qui commettent des actes de barbarie envers les kanaks. Ils assassinent ainsi plusieurs activistes indépendantistes, dont de nombreux leaders. Si l’armée française arrive dès la fin 1984 pour exfiltrer les colons hors des territoires kanaks et ravitailler les zones contrôlées par les loyalistes, cela n’apaise pas les tensions, malgré les appels au calme de certains leaders modérés du FLNKS. L’année 1985 voit la guerre civile atteindre son paroxysme, chaque jour voyant naître de nouveaux affrontements, incendies, grèves, sabotages, assassinats ou encore émeutes. Le 12 janvier, le leader Machoro est brutalement assassiné par le GIGN (Reconnu et raconté par le chef d’assaut du GIGN le capitaine Legorjus dans son livre Ouvéa, la République et la morale)

Le 23 août, Edgard Pisani, ministre chargé de la Nouvelle-Calédonie fait voter un nouveau statut pour l’île, accordant plus d’autonomie et divisant le territoire en 4 régions, chacune dotée d’un conseil. La réunion des 4 conseils forme le Congrès du Territoire, et le FLNKS décide de participer aux nouvelles élections le 29 septembre 1985. Ils gagnent alors trois des régions, mais c’est le RPCR qui devient cependant majoritaire au Congrès, à la faveur du système proportionnel. Cela suffit à stopper un temps la guerre civile, une partie des revendications des indépendantistes donnant l’impression d’avoir été entendues. Mais l’arrivée en métropole d’un gouvernement de cohabitation avec la droite après les élections législatives de 1986 rebat les cartes. Le statut précédemment adopté est remanié par le nouveau ministre de l’Outre-Mer, Bernard Pons, qui cherche à empêcher l’indépendance. En réaction, le FLNKS rentre de nouveau en clandestinité, et exige un référendum d’autodétermination ouvert à la seule population kanak. Ils adoptent également une stratégie d’internationalisation de la lutte, en s’alliant aux autres pays luttant contre l’impérialisme. La politique coloniale de l’État français se durcit, et notamment les mesures de surveillance des tribus par l’armée. Le FLNKS appelle une nouvelle fois au boycott du référendum pour l’autodétermination de 1987. Un nouveau statut qui défavorise les indépendantistes est proposé par le gouvernement Chirac puis voté. S’ajoute à cela le meurtre d’un adolescent kanak par la police. Dans ce contexte qui remet le feu aux poudres, le FLNKS appelle une nouvelle fois au boycott des élections. La veille du scrutin, et deux jours avant le premier tour des élections présidentielles, le 22 avril 1988, des indépendantistes prennent d’assaut la gendarmerie de Fayaouyé, sur l’île d’Ouvéa. Ils tuent 4 gendarmes et en prennent 27 en otage. Le FLNKS pose des conditions pour relâcher les otages : l’annulation des élections régionales, le retrait des forces de l’ordre de l’île et la nomination d’un médiateur. La prise d’otage dure deux semaines, durant lesquels certains otages sont échangés avec des membres du GIGN volontaires, et se déroulent des affrontements entre indépendantistes et forces de l’ordre sur tout le territoire. Le 5 mai, l’opération militaire « Victor » est lancée contre la grotte de Gossanah, ou s’étaient caché les activistes avec leurs otages, opération au cours de laquelle 19 indépendantistes sont tués. Le GIGN se livre à un certain nombre d’exactions envers les kanaks, certains sont exécutés après l’assaut, des combattants indépendantistes blessés sont tués à coup de pied[1]. L’armée prend ensuite le contrôle de l’île d’Ouvéa, menant une véritable politique de la terreur contre le peuple kanak, et pratiquant notamment la torture. L’État français, plutôt que d’écouter le peuple kanak, s’est ainsi laissé aller à la barbarie. Cette violence coloniale est dans la pleine continuité des atrocités commises en Algérie ou au Vietnam.

La prise d’otage d’Ouvéa et les événements qui ont suivi ont contribué à faire capituler Tjibaou, leader du FLNKS, qui opte alors pour une conciliation pacifiste. Après de longues tergiversations, le 19 août est signé l’accord Oudinot, aboutissant à un nouveau statut, approuvé par le FLNKS. Un référendum organisé dans toute la France entérine cet accord, obtenant 80% de oui. Toutefois, la contestation n’est pas totalement terminée, et le 4 mai 1989, lors de la commémoration de la prise d’otage d’Ouvéa, un militant d’une fraction du FLNKS, le FULK qui souhaite poursuivre la lutte armée, assassine Jean-Marie Tjibaou et son bras droit. La situation globale s’est calmée à la suite des événements de Ouvéa et plus généralement de la guerre civile. La violence n’a cependant pas disparu pour autant et le peuple Kanak n’a pas arrêté la lutte. Les soulèvements, parfois émeutiers, répondent aux assassinats de jeunes kanaks par des gendarmes, comme encore récemment, en 2016 à la mort de William Décoiré. Les structures d’exploitation de nickel ont souvent été la cible de sabotages : entre 2017 et 2021, la « serpentine », sorte de grand tapis roulant de 11 km qui achemine le minerai de l’usine SLN (Société le Nickel) a été incendiée plusieurs dizaines de fois, tout comme des véhicules de la société. L’ampleur de ces actes a même parfois forcé l’entreprise à suspendre son activité.

Aujourd’hui, malgré les promesses d’autonomie, la Kanaky-Nouvelle Calédonie souffre toujours de la gestion coloniale par l’État français. En effet, la situation de quasi-monopole détenu par une poignée de conglomérats familiaux entraîne une hausse conséquente des prix sur l’île. L’économie actuelle repose ainsi sur quelques grandes familles ou groupes caldoches (Ballande, Lafleur, Pentecost, Montagnat), métropolitains ou antillais  (Hayot) qui  contrôlent le  commerce  et  la  distribution,  les  mines, les transports, la banque et les assurances, l’agroalimentaire,  l’immobilier  ou  les  médias. L’association de consommateurs UFC-Que Choisir explique que le panier moyen est deux fois plus cher qu’en métropole. Face à cela, les habitants sont obligés de vivre de combines, en cultivant leur propre potager pour avoir à dépenser un minimum, par exemple. La capitale de l’île, Nouméa, est dans le classement des 20 villes les plus chères du monde, tandis que 18,5% de la population vit sous le seuil de pauvreté, dont une majorité de kanak.

De plus la monnaie, le Franc Colonies Françaises du Pacifique « CFP » fonctionne comme le Franc CFA à la sortie de la colonisation :

• parité fixe avec l’euro, la valeur est déconnectée de l’économie locale ;

• convertibilité avec l’euro uniquement, tous les échanges extérieurs doivent passer par l’euro ;

• obligation de centraliser les disponibilités en devises au Trésor public français.

En favorisant les flux financiers vers la métropole, le franc CFP limite le financement de l’économie locale. Il limite également les échanges avec les pays voisins et ne permet pas au gouvernement calédonien de mener sa propre politique monétaire.

Paradoxalement, l’île possède l’une des dynamiques économiques les plus fortes parmi les colonies d’outre-mer françaises. En effet, la Kanaky-Nouvelle Calédonie détient 25% des réserves mondiales de nickel. L’impérialisme français en profite largement grâce à son exploitation par la Société Le Nickel, qui a pendant longtemps détenu le monopole sur l’île. Le nickel est ainsi un métal très précieux pour l’industrie, et sert beaucoup dans des alliages ou en chimie, il est utilisé notamment pour faire des pièces de monnaie, dans l’industrie aéronautique ou encore dans l’émergent secteur de l’automobile électrique, où il est employé dans les batteries. On peut donc aisément comprendre pourquoi la France tient à garder l’île dans son giron, sachant que des investisseurs étrangers cherchent eux aussi à mettre la mainmise sur certains gisements de nickel. En 2020, une entreprise australienne a cherché à racheter une usine de nickel, ce à quoi le FLNKS s’est opposé, et a proposé à la place son rachat par une entreprise contrôlée par les indépendantistes, la Sofinor. Sous la pression de l’impérialisme français, le partenaire économique de la Sofinor, Korea-Zinc, retire son offre, mettant en péril le projet de rachat.

D’autres impérialistes ont de plus des vues sur la Kanaky, et notamment la Chine, qui a déjà assis sa domination sur les autres îles de la mélanésie (Papouasie Nouvelle-Guinée, Fidji, Salomon et Vanuatu), et cherche à asseoir son contrôle sur les 1,5 millions de kilomètres carrés de zones économiques exclusives, et les ressources en nickel. Derrière le référendum du 12 décembre, qui sera le dernier prévu par l’accord de Nouméa, il y a donc bien plus que la simple volonté d’un peuple d’obtenir la souveraineté sur le territoire où ils habitent depuis quelques milliers d’années. L’oppression de ce peuple depuis deux siècles par l’État français est avant tout le moyen pour pouvoir jouir de la terre et de ses fruits sans concessions. L’accès à l’indépendance serait une remise en cause de l’autorité française sur le territoire, et donc de son droit à l’exploiter. Certes, l’indépendance telle qu’elle est prévue à l’heure actuelle ne prévoit que la délégation partielle des fonctions de l’État au futur État kanak, s’il voit le jour. Et dans la pratique, la présence de monopoles français et étrangers sur l’île la maintiendrait sous le joug de l’impérialisme. Mais la décolonisation portera un sacré coup à un impérialisme français pourrissant, lâché par les autres puissances impérialistes. Être chassé de ses propres territoires lui ferait ainsi perdre beaucoup d’influence en Asie et dans le Pacifique, et l’indépendance, même partielle, de la Kanaky permettrait certainement au peuple kanak de souffler.

La pandémie de Covid-19 continue de faire de nombreux dégâts en Kanaky-Nouvelle Calédonie, avec un total de 276 morts depuis septembre. A ce titre, les organisations indépendantistes demandent le report du référendum du 12 décembre, déclarant d’une part qu’il n’y a pas les conditions sanitaires nécessaires à sa bonne tenue, d’autre part que les populations kanaks ont besoin d’un temps pour faire le deuil de leurs morts. L’État français ayant décidé de le maintenir, les indépendantistes en appellent donc au boycott. En procédant ainsi, l’État français renforce la probabilité d’une victoire du « non » à l’indépendance. Cela justifierait ainsi le maintien de son autorité sur la Kanaky, arguant avoir respecté les procédures engagées lors des accords de Nouméa. En effet la non-participation du FLNKS risque d’avoir un impact non négligeable sur les scores, et donc de précipiter la défaite du camp indépendantiste. Mais avec ses manigances, l’État jette de l’huile sur un feu dormant depuis trop longtemps, et jouer ainsi avec le sort de tout un peuple ne pourra qu’attiser encore plus la colère des masses kanaks.

A la stratégie légaliste s’ajoute une autre stratégie pour contrer l’indépendance : jouer sur l’endettement. Suite à la crise du Covid, les loyalistes alors au pouvoir ont négocié avec l’État un prêt massif pour « soutenir » l’économie calédonienne, prêt assorti d’obligations de réformes notamment de la sécurité sociale et de la fiscalité : gel des créations de poste dans la fonction publique, durcissement de l’accès aux aides sociales, baisse des subventions, nouvelles taxes, etc. Il ne s’agit en fait que d’un moyen pour la France de faire chanter l’île, en la rendant dépendante de ses apports financiers, pour pouvoir la maintenir dans son giron.

L’histoire a montré qu’afin d’obtenir satisfaction, et surtout face à l’impérialisme, seule la lutte paye. Que ce soit en Chine, au Vietnam, en Algérie, à chaque fois l’impérialiste et le colon ont été virés à coups de crosses. Pour les Kanaks aussi, c’est par l’action armée qu’ils ont obtenu des réformes avantageuses dans les années 1990. Aujourd’hui, les organisations indépendantistes ont adopté le terrain institutionnel pour parvenir à leurs fins, mais combien de temps les masses se laisseront-elles écraser de la sorte ?  Alors que dans les Caraïbes les masses se révoltent contre l’État français, qu’en Inde, aux Philippines ou au Brésil le feu de la révolution se ravive, le temps est compté avant que le peuple kanak ne s’empare de sa juste colère et boute le colon hors du Pacifique.