C’est un fait, le premier jour de mobilisation contre la réforme des retraites est historique. Les chiffres sont là : selon le Gouvernement 1,12 millions personne ont défilé et 2 millions selon la CGT. Au-delà de l’ampleur du nombre, c’est le moment qui donne un caractère historique à cette mobilisation. Depuis le début du règne de Macron, nous avons subi l’assaut ininterrompu du capital contre le travail, c’est-à-dire contre la classe ouvrière, celle qui produit la richesse. L’immense mobilisation des Gilets Jaunes avait été brisée dans la durée face à l’inflexibilité du Gouvernement, mais surtout parce que les syndicats n’étaient pas rentrés, volontairement, dans la danse. Après ça Macron pensait que nous étions brisés, mais la crise du Covid et la guerre impérialiste contre la nation ukrainienne sont passés par là. La crise rentre dans tous les foyers des classes populaires, dans les couches intermédiaires, et vient bousculer l’apparente normalité impérialiste. L’inflation vient violemment faire baisser nos salaires réels et attise les contradictions de ce système inique. Au même moment, si cela ne suffisait pas, ils annoncent que seulement 45 français possèderaient 550 milliards d’euros.
Le journal réactionnaire « Le Monde » l’annonce, « le pouvoir pariait sur la résignation des Français » et « le nombre de manifestants partout en France a surpris l’exécutif »[1]. Le coup a été rude et montre encore une fois que le Pouvoir est complètement coupé d’une grande majorité des Français. Macron, lors d’une conférence de presse en Espagne en réponse à la mobilisation, a donc sorti l’atout “légitimité des élections” pour tenter de rester maître à bord du navire[2]. A noter qu’encore une fois, nous voyons à quoi servent les élections : légitimer le pouvoir du capital. Tous les “révolutionnaires” qui par opportunisme participent d’une façon ou d’une autre à cette mascarade devraient se poser des questions. Nous avons été un petit nombre à porter activement un boycott dans les Masses populaires, le temps ne cesse d’appuyer la justesse de cette lutte politique.
Les Français ne sont donc pas résignés, ni dépolitisés, ce mouvement va bien au-delà des retraites et tout le monde le sent bien. La question n’est donc pas le nombre mais comment nous allons lutter et vers où nous devons diriger nos forces.
Il y a une réalité qui dépasse la bataille des retraites, c’est la possibilité de créer un précédent et d’ouvrir une période d’instabilité. Nous avons le pouvoir d’accentuer la crise du régime, d’affaiblir considérablement les forces qui soutiennent Macron. Dans ces moments d’intense lutte des classes, le Pouvoir sort du Parlement, prends la forme pure de la Politique, c’est-à-dire de la lutte des classes, de l’affrontement direct avec l’État. L’enjeu est donc tactique : si nous gagnons la bataille des retraites, et nous allons la gagner, nous saurons que nous pouvons faire reculer le Pouvoir, nous bloquerons la restructuration du capital, certes pour un temps. C’est stratégique car comme nous l’avons dit, la crise du Régime de la Ve République s’accentuera.
Dans le cadre actuel de notre époque, qui n’est plus 1995, 2013, ou autre, la lutte des classes va s’accentuer à l’intérieur des syndicats entre la base qui est résolument combative et déterminée (du moins des secteurs stratégiques clés) et les directions syndicales, qui doivent conserver le statut de “partenaire social”, de corps intermédiaire entre la puissance brute du capital qui se concentre dans l’Etat bourgeois et son gouvernement, et les Masses populaires et son cœur la classe ouvrière. La crise du Régime signifie une crise du syndicalisme de collusion issu de 1968 et du révisionnisme. Les directions syndicales marchent sur un fil, elles ne peuvent pas se couper de la base et non plus ne peuvent passer pour “révolutionnaires”. Avec les tensions accumulées ces dernières années, les directions vont devoir choisir leur camp. Ce qui peut sembler un cliché en ce beau mois de janvier 2023 devient une réalité concrète qui doit affoler les bureaucraties.
C’est maintenant clairement la base syndicale la plus combative qui a les clés de la solution. Une mobilisation déterminée, puissante et radicale, entraînant les Masses populaires, peut faire basculer la situation. Le mot d’ordre doit être il n’y aura pas de négociations, et quand nous disons les “syndicats” nous pensons à la CGT qui est majoritaire dans les secteurs clés de l’économie, les trains, les ports, les raffinerie, l’énergie. La CGT a donc le pouvoir de changer la donne. Le rôle des révolutionnaires dans les syndicats est donc d’appuyer le seul mot d’ordre juste : « retrait total de la loi ». Pour les forces qui ne sont pas dans le syndicat, il faut clairement appuyer les piquets de grève en organisant avec toutes les forces révolutionnaires un front tactique indépendant.
Notre tâche est aussi d’aller dans les Quartiers prolétaires mobiliser les Masses pour la lutte. Les Masses les plus profondes du Prolétariat, les plus exploitées, ont une puissance que nous avons vu dans toute son ampleur lors des “émeutes des banlieues”, les Grandes Révoltes de 2005. Les Masses souffrent plus que quiconque de la crise, et la longue période du révisionnisme et de l’opportunisme politique les ont anesthésiées. Nous devons les réveiller, elles font parties du fer de lance de la Révolution dans le pays.
Notre action doit aussi se diriger vers les étudiants conscients, ils ont les capacités de participer très activement à la lutte en participant à la mobilisation des Masses populaires et au soutien actif de la grève ouvrière. L’occupation des universités doit être un de leur buts, pour créer un espace de lutte mais aussi pour participer à briser la normalité du quotidien impérialiste. Les étudiants doivent être les “nerfs” entre les muscles de la lutte que sont les piquets de grèves, les quartiers prolétaires, et les différents secteurs en révolte.
Les mouvements sociaux de cette ampleur permettent de politiser les Masses, c’est-à-dire d’expliquer en profondeur ce qu’il se passe. La lutte des classes est le moteur de l’histoire, c’est la lutte entre ceux qui possèdent les moyens de productions et qui usurpent la richesse (les capitalistes) et le créateur collectif de cette richesse qui est usurpée (la classe ouvrière). Mais nous devons aller plus loin et saisir que cette situation d’affrontement économique entre, grosso modo, les riches et les pauvres, c’est la base de la lutte des classes ; mais que son cœur c’est la Politique, que Marx définit comme étant la question du Pouvoir, c’est-à-dire en substance quelle classe dirige la société. Cette question, celle Pouvoir, est primordiale, c’est pour cela que le leader de la Révolution Russe Lénine a dit “qu’en dehors du pouvoir tout n’est qu’illusion”.
La bataille des retraites est une lutte économique, mais elle revêt, de fait vu le contexte actuel, un caractère politique. Il n’y a que ceux qui ne comprennent rien au Marxisme qui pensent l’inverse. Nous pouvons vous jurer que Macron ou Martinez comprennent bien le fond de l’affaire. Nous sentons tous que la question dépasse largement les calculs comptables de grattes-papier de Bercy, nous voyons en fond et cela depuis les Gilets Jaunes, qu’il y a toute la question de savoir à quoi et à qui sert le Pouvoir. Macron l’a lui-même avoué en mettant sa légitimité en jeu lors de sa conférence de presse.
Nous devons donc politiser de manière intelligente tout cela. Politiser cela signifie aller au fond, clarifier les choses, les transformer en mot d’ordre. Le cœur de la politisation c’est, nous le répétons, poser la question du Pouvoir. Tant que nous n’aurons pas réglé ce problème alors le règne de mort des boursicoteurs et des capitalistes continuera. Ce problème ne peut se régler qu’en organisant la reconstitution de l’État-major du Prolétariat, le Parti Communiste.
L’urgence est de jeter toute nos forces physiques et mentales dans la bataille pour créer un précédent. En position de force, nous gagnerons la retraite à 60 ans, les 34 h par semaine et le SMIC à 2000 euros, mais surtout une victoire signifierait l’affaiblissement de ce Gouvernement marionnette des monopoles et de la finance.
Si nous poussons notre regard comme internationalistes, les Masses en lutte doivent penser que cela dépasse le cadre national : toute l’Europe, et même le reste du monde, va nous regarder. La France est une caisse de résonance mondiale et une victoire du prolétariat organisé signifierait beaucoup de choses et participerait assurément à la Révolution. Faisons de la France, par notre action déterminée, le « maillon faible » de l’impérialisme.
[1]https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/01/19/reforme-des-retraites-face-a-l-ampleur-de-la-mobilisation-macron-reaffirme-sa-determination_6158571_823448.html
[2]https://www.dailymotion.com/video/x8he4g8