« Maintien de l’ordre » et violence policière

Notre époque, ancrée dans un contexte de crise économique, politique et sociale, avec l’inflation et la décomposition de l’impérialisme, force l’État à trouver de nouvelles méthodes de maintien de l’ordre, en se reposant sur des policiers rechignant de moins en moins à l’utilisation d’une violence excessive à la vue de tous.

Une fois que ces nouvelles méthodes de violences d’État ont fait leur preuve, elles sont utilisées contre tous. Revenons sur les méthodes du maintien de l’ordre dans l’État français.

Intéressons-nous d’abord à deux divisons de police utilisées de plus en plus souvent pour le maintien de l’ordre dans les centre-villes lors de manifestations, et dans les quartiers populaires : la BRAV-M, ou la résurgence des voltigeurs ; et les voyous de la BAC, « Brigade Anti-Criminalité ».

Les Brigades de Répression de l’Action Violente – Motorisées ou BRAV-M ont un fonctionnement simple, circulant toujours par deux et à moto aux abords des manifestations. Concentrées sur le principe du « flagrant délit », leur but est de semer le désordre par leur stratégie de mobilité, en justifiant leurs actes par un possible délit en cours.

Il ne faut pas perdre de vue que leur violence sert à deux choses : disperser les regroupements en premier lieu, et traumatiser un assez grand nombre de personnes présentes dans les manifestations ou spectatrices de leurs actes en second lieu, pour empêcher leur retour et dissuader les indécis de se joindre aux protestations.

À l’origine prévus pour les manifestations, ils ont maintenant des fonctions polyvalentes, comme lorsqu’ils s’occupent de contrôles routiers et d’interventions dans Paris, qui dégénèrent très souvent.

La BRAV-M, d’un point de vue plus technique, est divisée de la manière suivante : une brigade est composée de 18 motos et 36 Hommes ; en tout et pour tout, la BRAV-M c’est 180 motos et 360 agents qui répondent directement au Préfet de police, contrairement aux autres unités qui répondent à un commandant ou capitaine de police.

Pour la BAC, même constat : habituée à être utilisée dans les quartiers populaires et créée à cet effet, elle est connue pour sa violence et ses ripoux. Ce sont des électrons libres, rapides et discrets grâce au port de vêtements civils, qui ont la même responsabilité que la BRAV-M : interpellations et violences. Ils utilisent donc les méthodes qu’ils ont appris dans les quartiers pauvres pour s’en servir dans les centres-villes.

De l’autre côté, CRS et gendarmes ne sont pas en reste, bien qu’ils soient mieux formés au maintien de l’ordre, comme le montre leurs méthodes déployées lors des manifestations : sectionnement de cortège, encerclements temporaires, nasses…

Leur stratégie la plus courante est simple, et qui d’autre pour mieux l’expliquer qu’un CRS :

« On va nasser les gens, les garder, les gazer – ce qui dans une nasse est un non-sens puisque on gaze pour disperser les manifestants –, et mettre en garde à vue une grande quantité de manifestants. C’est une stratégie liée à l’éclatement du conflit en de très nombreux points. Et aussi, au fait que le président de la République a dit de nettoyer le terrain. Il l’a redit à la télévision mercredi en parlant des factieux et des factions ». (Article Streetpress du 24/03/2023 « L’État a déclenché les outils les plus agressifs du maintien de l’ordre »).

Pour ce faire, le gouvernement, prévoyant, avait déjà lancé le 10 novembre 2020 un appel d’offre, qui montrait déjà qu’il ne compte pas lésiner sur les moyens pour les prochaines années.

Cette commande pour la « fourniture de grenades de maintien de l’ordre et accessoires destinés aux services de la police nationale et de la gendarmerie nationale », que le ministère estime à 38 millions d’euros, comprend entre 4,5 et 13,4 millions de grenades en tous genres pour les quatre ans à venir. 

Il s’agit de la plus grosse commande depuis des années. Les précédentes commandes avaient été attribuées en 2019 pour 1,8 millions d’euros, en 2018 pour 17 millions d’euros et pour 5,57 millions d’euros en 2016.

Cet appel d’offres est divisé en lots de grenades assourdissantes et lacrymogènes. Les grenades lacrymogènes sont de calibre 56 mm et 40 mm, pour permettre aux forces de l’ordre de les tirer à 50 ou 100 m. La quantité maximum pour ce lot est de 9,44 millions d’unités.

Un autre lot concerne entre 280 000 et 840 000 grenades dites lacrymogènes instantanées. Il s’agit de la grenade GM2L qui remplace la célèbre GLI-F4 depuis 2019. Cette arme de catégorie A2 – pour matériel de guerre – a notamment été massivement utilisée lors de la manifestation contre les mégabassines à Sainte-Soline.

Et comme le matériel répressif n’était pas déjà assez fourni, en plus des grenades, ce sont de nouveaux véhicules blindés au nombre de 90 auquel a droit la gendarmerie, déjà nommé affectueusement « Centaure ».

Deux VRBG (véhicule blindé à roues de la gendarmerie) déployés à Notre-Dame des Landes, lors de l’opération d’expulsion de la ZAD en 2018. Crédit photo : MARC OLIVIER

Ces véhicules sont lourdement armés en plus d’être à la pointe de la technologie, alors intéressons nous à leurs caractéristiques : haut de 3,3 mètres sur 7,4 de long et pesant 14,5 tonnes, le blindé peut pousser des voitures et objets pesant jusqu’à 3,5 tonnes, le tout à une vitesse de 30 km/h. Il peut, comme si ce n’était pas assez, faire bien plus de dégâts puisqu’il est équipé, à l’avant, d’une lame flottante. Tous les véhicules seront également équipés de caméras à vision nocturne et de caméras de vidéosurveillance à longue portée, ainsi que d’un système de défense à base de lacrymogènes avec une concentration en gaz très élevée. En plus de tout cela, les 90 blindés possèdent des lance-grenades automatiques de 30 coups, d’une portée de 400 mètres et des fusils mitrailleurs FN MAG 58 qui resteront fixés sur les véhicules lors du maintien de l’ordre en quartier populaire ou en manifestation. En bref, l’État s’arme autant pour une seule et même raison : il a peur de nous, le peuple, et de notre contestation, et c’est une bonne nouvelle.

La hausse des violences policières et de l’État en général, comme dit dans l’introduction, sont inscrites dans un contexte de crise totale : économique, sociale et politique. De ce fait, nous avons tendance à nous révolter plus souvent face aux mesures que l’État met en place pour satisfaire son maître, la grande bourgeoisie monopoliste. Nous le savons, la contestation contre la réforme des retraites est toujours en cours, et le gouvernement Macron pense nous assommer comme il l’a fait avec le mouvement des Gilets Jaunes, en préparant une nouvelle Loi Travail annoncée pour le mois de septembre. Ils s’arment déjà, pour tenter de faire face à notre déchaînement contre leur irrespect et leur calcul politique outrancier. Ne soyons pas dupes, la violence d’État manifestée par les violences policières n’est pas le fruit de dérives individuelles d’agents de police, mais sont bel et bien le fruit d’une stratégie à part entière, qui a pour but de nous apeurer afin d’empêcher notre mobilisation. Alors une seule réponse, organisons nous et intensifions la lutte !