Noyau d’Etude Marxiste : «Contre le « radical-réformisme »»

Le Comité de Rédaction de Nouvelle Époque a décidé de publier ce texte reçu par mail du Noyau d’Etude Marxiste (NEM), qui traite de l’article “Face à la radicalisation autoritaire pour une réponse démocratique radicale par en bas” de Juan Chango, journaliste d’obédiance trotskyste pour Révolution Permanente, afin de participer au débat d’idées dont le mouvement révolutionnaire a besoin.

La stratégie est au coeur de toute chose, la ligne politique d’une organisation la reflète. Au coeur de la ligne politique il y a la ligne militaire, c’est-à-dire la question de la conquête du pouvoir par la violence révolutionnaire, non par choix mais par nécessité révélée par l’Histoire de la Lutte des Classes. Tout projet politique révolutionnaire qui navigue à vue ne peut tomber que dans l’opportunisme et le révisionnisme, en un mot la trahison des interêts de la classe. Si la fermeté idéologique n’est pas au rendez-vous, nous bâtissons un chateau de cartes, les premiers détours font s’effondrer l’édifice et en premier, nos certitudes. Il n’y a qu’un seul chemin pour la conquête du pouvoir et donc qu’une seule stratégie qui elle-même ne peut être qu’universelle c’est-à-dire adaptable dans ses principes à n’importe quel endroit de la Terre. Comme Marxiste il est aussi central de mettre au poste de commandement la ligne Prolétarienne, c’est à dire le point de vue de la classe sur chaque aspect d’une situation.

L’article “Face à la radicalisation autoritaire pour une réponse démocratique radicale par en bas” de Juan Chango, journaliste dans le périodique Révolution Permanente1, est un exemple de problèmes posés par une vision unilatérale ne comprenant pas, au fond, le matérialisme dialectique, couplé avec l’absence d’une stratégie juste et claire qui fait sombrer la Grande Idée dans l’opportunisme.

“L’explosivité de la lutte des classes en France est en grande partie le produit de la dureté du régime bonapartiste de la Vème République.” : voilà l’analyse de base du texte dont le déroulé mène à une montagne d’opportunisme. Cette analyse marche sur la tête, car c’est parce que la lutte des classes dans le pays est forte que le régime se réactionnarise. La base de la lutte des classes est économique mais bien entendu elle s’exprime dans un cadre historique qui est le développement de la lutte des classes dans un cadre national donné. Le premier point, dont tout découle, c’est que le monde affronte la seconde crise générale du capitalisme, celle de décomposition de l’impérialisme. C’est la pire crise de l’Humanité et en même temps celle de sa rédemption car le vieux monde agonise et le nouveau pointe à l’horizon.

L’Impérialisme français est violemment touché par cette situation. Il est le maillon faible des puissances secondaires, sa zone d’accumulation impériale étant bestialement attaquée par la concurrence féroce des autres impérialismes, la désindustrialisation ayant atteint un seuil critique tandis que les monopoles ont renforcé leur poids dans toute la structure économique. Si nous couplons cela au malentendu Historique issu de 1789 au cours duquel l’égalité politique vite acquise a supplanté l’espérance trahie de l’égalité économique et dont le résultat le plus flamboyant est cette longue guerre civile tantôt ouverte tantôt étouffée, nous avons un cocktail détonnant. Nous avons là, la seule base pour toute analyse juste.

La réactionnarisation actuelle est la réponse de la bourgeoisie à sa propre crise. Elle est affolée et en déclin et doit restructurer l’appareil productif vitesse grand V pour qu’il continue a être concurrentiel. Mais comme un malheur (pour elle) n’arrive jamais seul, elle doit aussi rapidement réarmer le pays pour participer au repartage du monde qui devient de plus em plus tendu entre grandes puissances, et dont l’arrière plan est l’affrontement USA-Chine.

Bien que l’auteur nous expose des faits pertinents et s’appuie sur des auteurs comme Serfati dont les travaux sont de qualités, il part d’une regard bourgeois, c’est-à-dire en omettant que la militarisation de l’Etat est le résultat de la Lutte des Classes. Il y a bien sur une vision particulière de l’Etat en France issue de son long développement historique, lui-même résultat de la lutte des classes. Le Gaullisme, version moderne du Bonapartisme a pensé régler la contradiction historique que connait la France par rapport à la question de l’Etat. L’Etat, comme machine de répression restructurant le capital mais aussi comme garant du bien-être du peuple avec son “côté social”, voilà la contradiction qui est en train de voler en éclat.

Tout au long de l’article nous sentons poindre le désespoir propre à une position de classe que l’auteur exprime car aucun “point de vue” n’est neutre. Cette position de classe se révèle à la fin de l’avant-dernier paragraphe:

Tout ce cocktail explosif, entre renforcement des mesures bonapartistes, offensive du ministre de l’Intérieur contre le « terrorisme intellectuel de l’extrême gauche » face aux accusations de violences policières, durcissement de la lutte des classes et plus grande acceptation de la violence, laissent entrevoir, indépendamment du résultat de la lutte actuelle, une continuité de l’instabilité et des explosions sociales dans les années à venir. Et ce d’autant que la banqueroute croissante du capitalisme français, accélérée par la perte de poids de la France sur la scène internationale, comme on l’a vu dans le cadre de la guerre en Ukraine ou de ses reculs en Afrique, et la continuité de sa désindustrialisation relative, n’augurent pas d’une prospérité qui pourrait aider à adoucir les fortes tensions sociales et politiques à l’œuvre.”

Pourquoi un révolutionnaire devrait s’inquiéter du chaos? La Révolution ne naît pas de champs de roses sous serre mais du pourrissement toujours plus grand de la structure économique, de l’Etat et de la société dans son ensemble. L’impérialisme en se décomposant écrase toujours plus le Prolétariat qui en retour se révolte toujours plus. Qui veut donc “adoucir les fortes tensions sociales et politiques” si ce n’est les réformistes ? Un révolutionnaire se sert de la situation pour lutter pour la seule chose qui peut régler les problèmes exposés dans ce texte : La Révolution Prolétarienne.

Au fond et comme toujours, il y a cette peur panique de la violence incontrolée, de la perte de contrôle, pourtant la Révolution ce n’est pas un acte pacifique, c’est tout l’inverse. Le règlement des contradictions ne peut être qu’une explosion de rage et de colère. L’auteur ne voit pas l’autre côté de la contradiction du noir tableau qu’il dresse, car si la Bourgeoisie en arrive au point de s’assoir sur ces propres lois, de gouverner par décret, de détruire le mythe parlementaire, de réprimer, en brisant le cadre démocratique c’est que cela va très mal pour elle et donc, de fait cela va très bien pour la Révolution. La Révolution arrive, comme nous l’a dit le Grand Lénine, quand ceux d’en haut ne peuvent plus gouverner comme avant et que ceux d’en bas ne veulent plus être gouverner comme avant. Nous nous dirigeons vers cela, c’est notre moment Historique.

Tout cela s’exprime dans le dernier paragraphe, dans lequel le journaliste va même contre la ligne de sa propre organisation par désespoir et faiblesse idéologique. Il se rend compte que “nous ne sommes pas encore en condition de remplacer Macron par « un gouvernement des travailleuses et des travailleurs, des classes populaires et de toutes et tous les exploités et opprimés, en rupture avec le capitalisme »(NDDL: programme de Révolution Permanente aux élections Présidentielles”. Bien entendu nulle part l’organisation n’a expliqué une stratégie claire pour arriver à ce gouvernement de travailleurs. Il y a un immense vide stratégique qui permet donc un retour “à la radicalité de la Révolution Française”. Pour l’auteur, le palliatif à la crise de la démocratie bourgeoise c’est une démocratie bourgeoise radicale type Robespierriste. 1793 était et restera l’apothéose de la Révolution Bourgeoise, les germes de la Dictature du Prolétariat y étaient bien présents, mais parler de régler les problèmes en changeant la superstructure sans toucher à l’infrastructure, aux monopoles, et à “l’économie” c’est du réformisme radical, rien d’autre. Quand bien même cela serait possible il n’est nul part écrit comment arriver “à la Convention de 1793, instaurant une assemblée unique dont le rôle ne serait pas de parler pendant que le gouvernement gouverne, mais de légiférer et gouverner en combinant les pouvoirs législatifs et exécutifs. Ses membres seraient élus pour deux ans, au suffrage universel, avec une majorité fixée à16 ans à la proportionnelle intégrale, sans discrimination de sexe ou de nationalité, élargissant la citoyennété à toutes celles et ceux qui vivent et travaillent sur le territoire national. Les députés seraient révocables à tout moment si leurs décisions contredisent le programme pour lequel ils auraient été élus ou les intérêts de la population, et avec la possibilité de convoquer un nouveau scrutin si une proportion suffisante du corps électoral l’exige. Pour en finir radicalement avec la professionnalisation de la politique, marquée par ses indemnités indécentes des élus et leurs privilèges, les députés recevraient le salaire d’un ouvrier spécialisé ou d’un enseignant.”

Jamais la bourgeoisie n’acceptera ce programme, et si elle accepte c’est qu’elle y sera forcée, par la force des armes, mais si le Prolétariat est en armes, alors la question sera de tout prendre, d’exproprier les expropriateurs, d’instaurer la Dictature de la majorité sur la minorité et d’instaurer le socialisme.

A noter qu’il n’est pas question de saborder les droits démocratiques : au contraire il faut les défendre, car moins il y a de droits, moins il y a de marge de manoeuvre. Cette ligne n’est pas en contradiction avec la question de la violence révolutionnaire, car dans les faits elle la sert. Démontrer aux larges Masses, par la défense de nos libertés, que ce système est une dictature d’une minorité de monopolistes sur la majorité qui sont les créateurs de richesse est une nécessité. Dénoncer les violences policières, les magouilles des gouvernements, la corruption, etc, participe à saper l’autorité de l’Etat de la bourgeoisie. A vrai dire, il y a impossibilité de stopper la lutte des classes. Les droits démocratiques seront étendus au maximun sous la socialisme, ils parfaireront les droits actuels gagnés de hautes luttes. La Révolution Prolétarienne sera effectivement la fermeture de la phase ouverte en 1789 pour en ouvrir une qui sera le mouvement vers le Communisme toujours aussi lumineux.

Que disons-nous donc, nous révolutionnaires ? Nous disons qu’il n’y a pas de Révolution sans Guerre Civile car la bourgeoisie va se battre comme un diable et jamais se rendre. La question centrale c’est que cette Guerre Civile doit être la perspective immédiate de toute action politique révolutionnaire. Elle doit être le coeur, l’idée guide, la ligne de mire, de tous ceux et celles qui veulent véritablement en finir avec la barbarie. Il n’y aucun retour en arrière possible car la roue de l’Histoire ne peut aller à l’envers.

1https://www.revolutionpermanente.fr/Face-a-la-radicalisation-autoritaire-pour-une-reponse-democratique-radicale-par-en-bas