Ces dernières années, on entend régulièrement cette douce musique de « dissolution » dans la bouche des Darmanin, Véran, Schiappa, jusqu’à Macron. La dissolution, c’est l’arme politique par excellence pour un pouvoir bourgeois en crise qui cherche à rééquilibrer sa position face aux violences. Macron est très agile de ce point de vue depuis son premier quinquennat, prenant la suite de la présidence Hollande qui avait initié une lutte contre l’islamisme en passant au peigne fin les associations musulmanes du pays, pour faire le tri entre « bons et mauvais croyants ». Visant initialement des groupes fondamentalistes, la frontière a vite été franchie en s’attaquant à des associations ou ONG de défense des droits des musulmans, culminant avec la dissolution du CCIF en 2020.
La « dissolution » d’organisation est un dispositif juridique permettant au gouvernement de dissoudre tout groupement considéré comme dangereux pour les pouvoirs publics. Cette limite à la liberté de réunion et d’association est permise par une loi votée suite à la tentative de coup d’état du 6 février 1934 par des « ligues factieuses ». Ces groupes fascistes avaient tenté de renverser le parlement par la force, ce qui justifiait le soutien de cette mesure sur le principe, par les radicaux, socialistes, jusqu’aux communistes. Seulement, la République a un caractère de classe et il serait idiot de penser que l’État se méfierait plus de groupes fascistes (qui ne font que conforter la domination bourgeoise avec des moyens répressifs supplémentaires) que du mouvement ouvrier et révolutionnaire. Ainsi, rapidement, les dissolutions s’en prennent à des dangers immédiats et réels pour la bourgeoisie, comme les mouvements de libération nationale dans les colonies et les organisations révolutionnaires : organisations algériennes (étoile Nord-africaine et Parti du Peuple algérien) dans les années 1930 ; l’intégralité du mouvement communiste, syndical et démocratique français sous Vichy, puis quatre partis malgaches et indochinois après la Libération ; quatre organisations vietnamiennes, six organisations algériennes, trois organisations camerounaises dans les années 1950 ; puis des groupes antillais, guyanais, polynésiens et somalis (futur Djibouti) la décennie suivante. Suite à la grande révolte de Mai-Juin 1968 et de l’intense période de lutte des classes qui a suivi, ce ne sont pas moins de 17 organisations qui seront dissoutes pour « subversion révolutionnaire violente », dont la Gauche prolétarienne en 1970, qui diffusait à l’époque la Cause du Peuple.
Si aujourd’hui Darmanin se targue d’avoir dissout Générations identitaire, c’est que cette dissolution lui a permis de s’attaquer ensuite à la Ligue de Défense Noire. S’il se targue d’avoir dissout les Zouaves Paris, c’est que cela justifie qu’il interdise des comités de défense de la Palestine. S’il menace aujourd’hui son ancien parti royaliste l’Action française, c’est qu’il cherche à équilibrer sa lutte contre « les extrêmes » après avoir menacé les Soulèvements de la Terre pour des canalisations sectionnées. Environ 53 % des dissolutions (hors régime de Vichy) ont visé des organisations d’extrême-droite, pour 47 % d’organisations révolutionnaires, progressistes ou indépendantistes. Voilà le prix de la politique bourgeoise. La défense de notre classe et la lutte contre le fascisme ne passe pas par le soutien à la répression légale, car les réseaux d’affaires bourgeois assurent l’essentiel du travail de réactionnarisation. La progression du fascisme, c’est le fruit de la politique de Macron, c’est le financement du RN ou de Reconquête, c’est le produit d’une classe : la bourgeoisie française. Jamais nous ne rendrons service à notre camp en soutenant par principe la répression d’État.