La lutte pour la libération aujourd’hui
Quoique la période de révolte populaire la plus intense est passée il y a plusieurs années, la guérilla baloutche n’a jamais été aussi bien organisée que dans les dernières années. Le degré d’unité et de stabilité dans le mouvement représente la culmination de plus de 70 ans de luttes et permet aux différents groupes armés de repérer et attaquer l’ensemble de leurs ennemis : l’armée pakistanaise et le social-impérialisme chinois, représenté par les projets du CPEC. Au centre de la guérilla, il y a quatre organisations.
Le Balochistan Liberation Army (BLA) est le groupe armé le plus important au Baloutchistan avec ses racines revenant à la vague précédente entre 1973 et 1977. Il est dit que le BLA est le fruit de la vision de Khair Bakhsh Marri, qui a directement instruit des membres de la direction du BLA, tel que le « général » Aslam Baloch. En plus des attaques régulières sur l’armée est ses collaborateurs, le BLA a mené plusieurs attaques importantes contre le social-impérialisme chinois, principalement sous la direction d’Aslam Baloch. Connu aussi comme Achu, il avait ordonné des actions telles que l’attentat suicide du 23 novembre 2018 au consulat chinois à Karachi. L’attaque était effectuée par la brigade Majeed, qui a été elle-même conçue par Aslam Baloch pour réaliser des attaques contre des cibles stratégiques. Suivant l’attaque contre le consulat chinois, l’État pakistanais a assassiné Achu et cinq autres militants à Kandahar, en Afghanistan. L’attentat suicide a été réalisé par un intermédiaire sans doute au service du ISI. Toutefois, la brigade Majeed continue à être un obstacle important pour le social-impérialisme chinois au Pakistan en réalisant des attaques comme celle du 11 mai 2019 à l’hôtel Pearl Continental à Gwadar. L’hôtel cinq étoiles a été construit dans le cadre du CPEC pour accommoder les représentants du projet chinois. Aslam Baloch a aussi poussé la démocratisation du BLA, ce qui a rendu les affiliations tribales moins importantes au sein de l’organisation. Achu lui-même n’avait aucun antécédent tribal ou politique important et son remplaçant à la tête du BLA, Bashir Zaib Baloch, est simplement un ancien étudiant qui a également gravi les échelons.
Le Balochistan Liberation Front (BLF) est basé principalement dans la région sud du Baloutchistan, où les structures féodales sont les plus faibles. Le BLF soutient une théorie de guerre révolutionnaire qui incorpore la participation des masses et la nécessité de la formation politico-idéologique de leurs militants. Son dirigent est le gynécologue Allah Nazar Baloch. Pendant ses études, il a contribué à la fondation du Baloch Students Organization – Azad de 2002 et a été son premier dirigeant. Pour son activisme au sein de l’organisation étudiante, il a été enlevé, enfermé et torturé par l’État. Comme Aslam Baloch, il n’a aucun statut tribal important et il est aussi un symbole de l’importance croissante des étudiants dans la lutte armée. De plus, il est le seul leader célèbre qui est directement implanté dans la lutte armée aujourd’hui. Depuis le début de 2020, le BLF a réalisé au moins 33 attaques contre l’armée pakistanaises et tué au moins 83 soldats pakistanais.
Le Baloch Republican Army (BRA) est dirigé par Gulzar Imam et il est dit qu’il est lié au Baloch Republican Party, fondé en 2008 par le petit-fils d’Akbar Bugthi, Brahumdagh Bugti. Le parti s’inspire de l’héritage d’Akbar Bugthi et il est interdit depuis 2012. Parmi les actions les plus reconnues du groupe, il y a l’attentat à la bombe sur des infrastructures électriques en janvier 2015 qui a coupé l’électricité à 140 millions de personnes à travers le pays. Le 8 juin en Panjgur, le BRA a assassiné un officier du Military Intelligence qui coordonnait l’escadron de la mort local depuis des années.
Avec une des plus jeunes organisations armées, Baloch Republican Guards provenant de la frontière orientale avec la province du Sindh, les organisations ci-dessus forment aujourd’hui le Balochi Raji Ajoi Sangar (BRAS), le Front national de liberté baloutche. L’alliance permet aux guérillas dispersées de coordonner la lutte sur tout le territoire et de monter des attaques en commun. Cette avancée doit beaucoup aux efforts d’Aslam Baloch et d’Allah Nazar Baloch. Bien qu’il y a des différences politiques entre les organisations membres, la fragmentation du mouvement est due principalement à la fragmentation du peuple baloutche selon les divisions tribales qui découpe le territoire du Baloutchistan. Puisque le développement historique du Baloutchistan a été déraillé par la domination étrangère directe depuis la colonisation britannique, il n’y a jamais eu un développement capitaliste pour dépasser les structures féodales. Ce qui unifie le peuple baloutche aujourd’hui c’est l’expérience commune de la colonisation, d’occupation et de lutte commune contre l’oppresseur, enrichi par une tradition politique progressiste et laïque. Le BRAS représente un saut qualitatif important dans le développement historique de la conscience de l’identité baloutche, ce que l’État pakistanais cherche à effacer par touts moyens. Aujourd’hui, la raison de joindre une organisation spécifique est sa présence exclusive dans la région d’un militant, ce qui revient normalement à l’appartenance tribale. En conséquence, la tribu Marri est la plus importante au BLA et celle des Bugtis au BRA. La nouvelle génération de sarmachars (combattants de la liberté) n’est plus intéressée par les divisions tribales. Cependant, il y a de plus en plus de jeunes Baloutches qui joignent la lutte après leurs études, ce qui continue à affaiblir les divisions tribales. Dans ce sens, la lutte armée unifie l’avant-garde de la société baloutche.
Une grande partie de l’afflux étudiante dans la lutte populaire et au sein des organisations armées provient du Baloch Students Organization–Azad (BSO–A). Le BSO originaire a été fondé le 26 novembre 1967 et a été fragmenté selon les différentes fractions dans l’histoire du mouvement. Dans la vague de lutte courante, il y a eu un processus d’unification sans précédent. En février 2006, un dernier fusionnement de fractions du BSO a produit la deuxième itération du BSO–A, qui trace des racines au premier BSO–A d’Allah Nazar Baloch. Le principe organisationnel derrière cette unification est de garder l’indépendance politique par rapport aux divers partis politiques baloutches. Par contre, l’organisation étudiante est membre de l’alliance Mouvement national baloutche, avec sept autres groupes politiques. Le BSO–A est une organisation politique dominante au Baloutchistan et comprend son rôle de surmonter le contrôle féodal du peuple pour mettre fin à l’occupation pakistanaise. L’organisation lutte par des moyens pacifiques, mais ne rejette pas explicitement la lutte armée. Il a été interdit en mars 2013 en tant qu’organisation terroriste.
Le United Baloch Army (UBA) est une autre organisation armée notable, mais elle n’est pas membre de BRAS, probablement puisque l’UBA est le résultat d’une scission antagoniste au sein du BLA. Il y a même des rapports selon lesquelles il y a eu des affrontements militaires importants entre les deux groupes. De plus, il y a la lutte armée baloutche dans la province iranienne de Sistan-et-Baloutchistan. La division religieuse entre l’État iranien chiite et les Baloutches sunnites est assez importante et a permis au Wahhabisme de s’implanter dans le mouvement et ses groupes armés. Même s’il y a une connexion entre le mouvement au Pakistan et celui en Iran, son potentiel politique doit être limité parce que les Baloutches au Pakistan s’opposent à l’islam politique. En tout cas, il y a une histoire de collaboration entre les États du Pakistan et l’Iran contre les militants baloutches.
La réponse de l’État pakistanais aujourd’hui s’étend à une campagne de mensonge et de désinformation qui met tout sur le dos des Baloutches et de l’Inde. De nombreux aspects du récit cynique de l’État sont recyclés pour répondre aux accusations d’innombrables crimes commis par l’armée et ses intermédiaires. Notamment, l’État impute le manque de développement en Baloutchistan sur les sardars (chefs tribals) têtus et parasitaires qui appellent à la lutte simplement parce qu’ils s’opposent au développement. Par contre, les régions où les sardars ont toujours été loyaux au Pakistan ne sont pas plus développées que les restes. Les personnes disparues sont supposées d’être le résultat de cette lutte armée qui bloque le développement. Les conditions ont juste poussé des dizaines de milliers de Baloutches à partir pour l’Europe ou l’Amérique sans jamais en informer la famille ou les amis… Il ose même réclamer que ce soit inversement la guérilla baloutche qui réalise le génocide en tuant des non-Baloutches. L’État cite les attaques commises contre des « travailleurs » venant d’autres provinces sans mentionner que ces « travailleurs » sont membres du Frontier Works Organization, qui est essentiellement la société d’ingénierie et de construction de l’armée. Finalement, l’État fabrique l’image constante d’une victoire finale et imminente contre les « terroristes » séparatistes en évitant à signaler ses propres pertes, tout en améliorant l’apparence de succès en tuant des civils ou détenus habillés comme des militants. Selon la propagande pakistanaise, la lutte baloutche n’a presque aucun soutien populaire et continue grâce au soutien indien qui passe principalement à travers l’Afghanistan. Toutes les organisations armées baloutches nient avoir reçu du soutien indien, mais elles ne s’opposent pas à accepter du soutien étranger. Ces mensonges absurdes sont impossibles à croire pour n’importe qui au Baloutchistan. Le public ciblé est le reste du Pakistan et les investisseurs chinois inquiets. L’Inter-Services Public Relations utilise même des trolls payés pour diffuser leur faux récit sur l’internet. En gros, l’État représente les Baloutches comme un peuple tribal primitif et agressif qui sabotent son propre développement et se laisse manipuler par l’Inde pour détruire le Pakistan, le « pays créé par Dieu ». Cette propagande fasciste démontre un mépris sans honte envers les Baloutches émanant de la direction punjabi de l’armée pakistanaise parasitaire qui a pris les peuples du pays en otage depuis sa création à partir de l’armée coloniale britannique. Il est inévitable que cette prison de nations éclate.
Les nécessités de la lutte anti-impérialiste
La redivision courante de l’Asie du Sud dans la lutte interimpérialiste va présenter encore plus de défis pour la lutte de libération nationale. Le Baloutchistan se transforme en artère principale du social-impérialisme chinois en Asie du Sud, ce qui va attirer aussi l’intervention de l’impérialisme étatsunien et de ses alliés. L’impérialisme russe est déjà présent, en tant que le nouvel ami du Pakistan et un contributeur à CPEC. Quand la prochaine guerre mondiale va se déclencher, le Baloutchistan va sans doute devenir une cible stratégique pour les impérialistes. Comment est-ce que le mouvement va tenir quand la situation devient encore plus complexe et sanglante ? Comment résister aux divers intermédiaires paramilitaires au service d’un impérialisme ou d’un autre sans devenir aussi un intermédiaire de l’impérialisme ? Comment s’organiser avec les autres peuples opprimés du pays ? Et que faire après la victoire militaire pour ne pas tomber de nouveau sous l’impérialisme, mais décoré avec le drapeau national ? Cela a été le résultat de chaque libération nationale moderne, sauf celle de la Chine.
Certes, l’évolution du mouvement jusqu’à maintenant a été très positive, mais pour véritablement gagner sous la tempête impérialiste à venir, les militants baloutches doivent atteindre un niveau d’unité idéologique, politique et organisationnelle plus élevé. Il faut unifier toutes les forces révolutionnaires autour d’une seule ligne politique déterminée à travers la lutte des lignes et le centralisme démocratique. Cette ligne politique peut seulement se développer au sein d’un parti communiste d’avant-garde militarisé qui est en moyen de la mettre en œuvre en dirigeant la guerre populaire prolongée. En se fiant du soutien des masses mobilisé dans le front et l’armée populaire, la guerre populaire prolongée permet la création du nouvel État socialiste dans les zones libérées. Seulement un Baloutchistan socialiste peut rester véritablement libre, sinon l’impérialisme prendrais inévitablement contrôle du pays par des moyens économiques. Bref, la libération du Baloutchistan a besoin du Marxisme de notre temps, c’est-à-dire le Marxisme-Léninisme-Maoïsme. Une lutte armée fragmentée ne fournit pas de voie politique pour le futur. Mao Zedong avait expliqué que « notre principe est que le parti commande aux fusils et il ne faut jamais permettre que les fusils commandent au parti ». Le Baloutchistan a besoin d’un parti communiste qui commande aux fusils et peut mobiliser le pouvoir des masses pour écraser l’impérialisme sous n’importe quelle forme et à chaque étape de la révolution.
D’un autre côté, les communistes du monde entier portent une responsabilité pour la libération du Baloutchistan. L’ignorance du grand public et surtout des communistes sur le Baloutchistan est inacceptable. Le cas du Baloutchistan met en évidence la crise de l’impérialisme mondial et le potentiel révolutionnaire qu’elle permet. Il faut comprendre ce qui se passe dans des places comme le Baloutchistan pour comprendre pourquoi il est correct et nécessaire de faire la révolution aujourd’hui et dans n’importe quel pays. L’ignorance est une arme au service du révisionnisme et de l’impérialisme. Dans chaque pays, les communistes doivent s’organiser pour développer le parti communiste militarisé et mener la guerre populaire prolongée, même dans les pays impérialistes. Tout ce qui est moins est juste du révisionnisme qui ne fait rien de concret pour aider la libération des Baloutches ou de n’importe quel peuple opprimé. Il faut frapper l’impérialisme par tout avec la guerre populaire prolongée dans tous les pays. Il faut répondre à la guerre impérialiste mondiale à venir avec la guerre populaire mondiale. Cela est la signification de l’internationalisme prolétarien.
Pour conclure, nous ajoutons quelques sites pour se tenir au courant de la situation au Baloutchistan (en anglais) :
thebalochistanpost.net
balochistantimes.com
balochistanvoices.com
baluchsarmachar.wordpress.com