Brésil : La LCP dénonce la persécution juridique des paysans en lutte pour la terre dans le Rondônia

Nous publions une traduction non officielle d’une déclaration de la Ligue des paysans pauvres (Liga dos Camponeses Pobres – LCP) du Rondônia et de l’Amazonie occidentale, publiée dans le journal A Nova Democracia le 27 juillet. Ils y dénoncent la persécution imposée à quatre paysans arrêtés et persécutés politiquement depuis 2021.

Une nouvelle étape du procès injuste contre Ezequiel, Luis Carlos, Estéfane et Ricado est prévue en août. En 2021, ils ont été emprisonnés arbitrairement pendant 7 mois, ils continuent à faire face à des mesures restrictives, ils ont payé une amende et maintenant ils vont répondre d’un crime fédéral – la possession de radios de communication. Toute cette répression est due au fait qu’ils ont participé au camp historique de Manoel Ribeiro, entre Corumbiara et Chupinguaia, luttant pour libérer la dernière partie de l’ancienne ferme de Santa Elina des griffes des grands propriétaires terriens.

Ces quatre jeunes ont été condamnés à 5 ans de prison par la justice, à travers des jugements expéditifs et arbitraires, relevant plus de la farce que de la justice. Toutes les accusations sont basées sur les témoignages de la police qui a passé des mois à encercler et à provoquer le camp, empêchant l’entrée de nourriture et de médicaments ; toutes ces violations ont disposé d’un ordre juridique qui interdisait aux militaires d’attaquer le camp. La police militaire a renforcé ses troupes stationnées au siège du camp de Nossa Senhora Aparecida, humilié et attaqué les paysans voisins, envahi les maisons, coupé les clôtures, suspendu les soins médicaux et les vaccinations, au plus fort de la pandémie.

La police a poursuivi, renversé et arrêté Ezequiel, Luis Carlos, Estéfane et Ricardo et, alors qu’ils s’étaient déjà rendus, les a attaqués et menacés. Les soldats ont menti en disant qu’ils étaient tombés dans une embuscade tendue par les paysans et que le jeune Estéfane avait tiré contre eux. La police a détruit la caméra d’un des véhicules et a placé des radios, un revolver et des cartouches de balles dans les affaires des quatre membres du camp.

Et ce, sur les mêmes terres gorgées du sang des paysans et des indigènes, versé en 1995 par le même député du Rondônia, accompagné d’hommes armés, au service des grandes propriétés. Cette troupe honteuse a terrorisé et torturé 600 familles et assassiné 11 paysans, dont la petite Vanessa, qui n’avait que 7 ans. Deux des commandants de ces barbaries ont été décorés et promus au fil du temps, à l’époque du camp de Manoel Ribeiro, le boucher de Santa Elina, Hélio Cysneiros Pachá est devenu secrétaire à la sécurité de l’Etat et Ronaldo Flores est devenu le commandant général de la Police Militaire.

Si la justice existait au Brésil, avant de condamner Ezequiel, Luis Carlos, Estéfane et Ricardo, la juge Liliane Pegoraro Bilharva aurait demandé à relever les traces de poudre, elle aurait enquêté sur les crimes commis par la police et aurait examiné les images des véhicules et des drones de la police – des preuves pleines de mensonges éhontés et de tous les abus des députés. S’il y avait une justice, les paysans obtiendraient la liberté et la terre et les militaires seraient arrêtés.

Mais il n’y a pas de justice au Brésil ! Pas dans le vieil État. Lors de l’audience au cours de laquelle les 4 membres du camp ont été condamnés, le juge a saboté les avocats de la défense et a interdit la participation virtuelle des organisations démocratiques, bien que les procès soient publics. Le rapport d’incident indique qu’une radio a été trouvée avec eux, puis qu’un autre appareil apparaît ; toujours sans identifier avec qui il était. Malgré cela, le pouvoir judiciaire fédéral a accepté la farce, affirmant qu’il existait des « preuves matérielles dignes de foi, produites correctement et conformément aux règles ». Auparavant, deux autres paysans du camp de Manoel Ribeiro avaient déjà été condamnés pour détention illégale d’armes, également en un temps record et sans procédure légale.

Affaire Nego Zen : la justice au service du grand propriétaire voleur de terres et assassin de paysans

La juge Liliane Pegoraro Bilharva est connue pour ses condamnations pro-propriétaires, anti-paysans et anti-pauvres, la dernière en date étant celle du 14 mars, où elle a injustement condamné six paysans à 102 ans de prison ! C’était pour la mort du grand propriétaire Heládio Cândido Senn, appelé Nega Zen, et de sa bande de misérables (y compris le chef des tireurs connu sous le nom de Neguinho Capeta) en 2021. Même si Nego Zen était un grand bandit qui se faisait des ennemis dans tout le Rondônia, seuls le LCP et les paysans pauvres ont fait l’objet d’enquêtes et d’accusations arbitraires, sans aucune preuve concrète, ne se basant que sur des rumeurs, des « on dit » et des témoignages pleins de contradictions. Un témoin oculaire n’a pas reconnu les paysans ; deux des accusés ont été condamnés sans avoir été inculpés par le délégué qui présidait l’enquête ; le juge a sapé la défense de plusieurs façons ; le procès s’est déroulé en un seul jour et en un temps record – moins d’un an et demi après les décès.

Les paysans injustement arrêtés, dont un jeune mineur, ont été torturés par la police, battus et noyés. La police n’a pas publié de photos du moment de l’arrestation, car elles prouveraient un nouveau crime sanglant de la police militaire.

Avec peu d’efforts, quiconque a des yeux pour voir et des oreilles pour entendre peut rassembler d’innombrables actes désastreux commis par le grand propriétaire terrien Nego Zen, un bandit bien connu, un voleur de terres et un assassin des pauvres. Contre les paysans qui luttaient pour la terre, il a commis des crimes d’enlèvement, de torture, de tir, d’agression, de menace et d’humiliation, en plus du vol de terres publiques, comme le camp de Vilhena, où sa vie de criminel s’est achevée. Mais ce n’est pas tout : Nego Zen a volé des terres et du bétail à des propriétaires voisins de taille moyenne, déplaçant les clôtures et capturant tout animal qui pénétrait « accidentellement » dans sa propriété. Il était connu pour participer au trafic de diamants, pour exploiter des travailleurs à la manière de ce qu’on nomme « l’esclavage », pour avoir incendié des maisons pour recouvrer des dettes, pour viol, etc.

Comme toujours, malgré tout cela, comme par magie, Nego Zen a été transformé en « personne innocente », en bon chrétien, en « propriétaire » du camp de Vilhena, etc. par les monopoles médiatiques et par la mairie qui a décrété un deuil officiel. Comme tous les criminels, Nego Zen fréquentait assidûment les églises, priait tous les matins et faisait des dons importants, mais en dehors de ces lieux, il était le « diable en personne ».

Les travailleurs pauvres savent très bien que la vraie justice ne vient pas du pouvoir judiciaire.

Où étaient le pouvoir judiciaire, les gouvernements et leur police qui n’ont pas défendu les travailleurs contre les innombrables crimes de Nego Zen et de sa bande ? Il ne sert à rien au procureur de l’affaire de dire que pour le ministère public de Rondônia, le bien le plus précieux est la vie, car les travailleurs pauvres savent très bien que pour le pouvoir judiciaire, seule compte la vie des grands propriétaires terriens qui exterminent les peuples indigènes, massacrent les paysans pauvres, volent les terres publiques, contaminent et détruisent la nature et sont à la base de l’asservissement national.

Alors que pour eux, la vie d’un pauvre, et surtout d’un paysan, ne vaut rien, le peuple n’oublie pas, le peuple pense, le peuple compare l’absence d’enquête et de justice aux exécutants et aux commanditaires des massacres des peuples indigènes et des paysans à Corumbiara (1995), Eldorado dos Carajás (1996), Cujubim (2016), Colniza et Pau D’Arco (2017),à Nova Mutum (2021 et 2023), des assassinats des leaders paysans, Renato Nathan, Cleomar, Zé Bentão, Gedeon, Luiz Lopes, Enilson, Izaque et Edilene, Paulo Justino, des assassinats des paysans Amarildo, Amaral, Kevin, Rodrigo, Raniel et beaucoup d’autres, qui même après tant d’années restent impunis.

Le terrorisme ne peut pas arrêter la lutte pour la terre

La résistance paysanne héroïque dans les régions de Manoel Ribeiro, Tiago dos Santos et Ademar Ferreira a été la plus importante lutte populaire au Brésil pendant le gouvernement génocidaire des généraux et de Bolsonaro et nous a enseigné la leçon importante qu’aucun terrorisme n’est capable d’arrêter la lutte pour la terre.À deux reprises, Bolsonaro a publiquement accusé la LCP d’être une organisation terroriste et a promis aux grands propriétaires terriens du Rondônio de l’écraser.

Il a fourni des ressources financières, du matériel militaire et la Force de sécurité nationale pour réprimer la lutte pour la terre dans l’État ; il a pris des mesures juridiques pour que l’ensemble de la réaction s’arme d’armes de guerre et que la police continue de tuer en toute impunité. Le gouverneur, le colonel Marcos Rocha, sous la direction des grandes propriétés et de Bolsonaro, a élargi l’appareil répressif et a diabolisé et criminalisé le LCP et les familles qui luttent pour la terre.

Comme il n’a pas atteint ses objectifs, et encore moins mis fin à la lutte pour la terre, l’ancien État tente de se venger de la défaite politique et militaire qu’il a subie en déversant sa rage de perdant sur les personnes arrêtées et persécutées politiquement dans le cadre de la lutte pour la terre. Et il suit la vieille pratique consistant à traiter le problème le plus important et le plus urgent du pays comme un crime : la démocratisation du régime foncier et de la propriété pour les paysans sans terre ou les petits paysans.

Aujourd’hui, sous la direction de Luiz Inácio (« Lula »), le vieil État poursuit la même répression contre les paysans, même si elle est déguisée derrière des questions prétendument environnementales, comme il l’a fait sous les gouvernements précédents.

Loin d’illustrer sa force, tout le terrorisme du vieil État démontre sa faiblesse, son désespoir et la peur qu’ont les propriétaires terriens et leurs limiers que les masses de paysans pauvres sans terre et les petit paysans trouvent une direction juste et combative, comme la LCP, et propulsent comme un torrent la révolution agraire. Tant que la terre sera concentrée dans les mains d’une poignée de propriétaires terriens parasites, les paysans en manqueront et ils continueront à lutter, avec toujours plus d’expérience et de volonté d’utiliser tous les moyens nécessaires pour conquérir la terre, leurs justes objectifs et leurs aspirations.

La révolution agraire avance fermement dans la destruction des grandes propriétés, en divisant les terres et en remettant des lots aux paysans pauvres qui commencent à vivre dignement de leur propre sueur, en développant l’économie locale, en apportant l’espoir dans les confins de notre pays. C’est le début de la nouvelle révolution démocratique, qui libérera notre peuple et notre nation, en construisant sur les ruines du capitalisme bureaucratique le nouveau Brésil, celui de la terre, du travail, de la justice, de la liberté et de la nouvelle démocratie.

Nous appelons tous les paysans, les travailleurs, les étudiants, les enseignants, les travailleurs en général, les entités véritablement démocratiques et les peuples du Brésil et du monde à lancer une nouvelle campagne pour l’annulation des procès injustes, pour la liberté et la fin des procès contre les courageux paysans dans la lutte pour le droit à la terre pour ceux qui y vivent et y travaillent !

A bas la criminalisation de la lutte pour la terre ! Fin des persécutions, des arrestations et des procès !

Punition pour les exécutants et les commanditaires des meurtres de paysans !

La lutte pour la terre n’est pas un crime !

Conquérir la terre, détruire les grands domaines !

Vive la révolution agraire !

LCP – Ligue des Paysans Pauvres du Rondônia et de l’Amazonie Occidentale

juillet 2023