Le 16 juin dernier à eu lieu une grande manifestation du personnel soignant, réclamant, globalement, des moyens pour l’Hôpital Public. Le personnel était très nombreux à manifester, avec un durcissement de plus en plus important d’une lutte où la grève n’est pas forcément l’arme la plus efficace. L’Hôpital Public subit en effet de nombreuses coupes, touchant les prolétaires n’ayant pas les moyens de se soigner dans le privé, et mettant sous pression le personnel.
A Paris, lors de cette manifestation, ont eu lieu de nombreux affrontements, avec l’arrestation particulièrement médiatisée d’une infirmière, interviewée par Taha Bouhafs. Les débats ont fait rage à propos du « black bloc » et de l’opportunité de venir se battre « à la place » des soignants dans un défilé. D’autres rétorquent que les affrontements ont impliqué les soignants eux mêmes et que la colère était forte.
Si il y a débat sur la légitimité du « bloc », il n’y a pas de débat sur la tactique, et encore moins sur la stratégie. La stratégie, c’est le moyen d’arriver au but, donnant une ordre d’idée général. Et ça, il n’y en a pas. Le problème n’est pas l’affrontement violent. Des soignants (une minorité, certes) y ont participé. Là n’est pas la question.
La stratégie des militants est globalement déjà discutée et se divise en deux camps. Les militants libertaires formant un bloc, se substituant aux soignants, ne les aident pas. Il s’agit d’une impasse. D’autres rejoignent les syndicats et pensent y créer une ligne « dure » et « démocratique », et rejettent absolument l’action violente et minoritaire, même quand la colère est largement partagée. C’est une autre impasse, un sorte de crétinisme n’apportant rien depuis au moins la seconde guerre mondiale.
Il y a bientôt 50 ans, la Gauche Prolétarienne s’implantait dans les usines en y envoyant des militants, parfois ouvriers, parfois étudiants. A Renault Billancourt, où l’implantation fût un succès, les « maos » ont écrit un long résumé, en 25 « règles de travail« , de leur expérience. Ce sont des règles tirés « dans notre pratique, pas dans les bouquins« . Un passage est particulièrement éclairant :
Toute attitude consistant à mépriser ces actions sous prétexte qu’elles sont « arriérées » ou tactiquement inopportunes doit être bannie.
Exemple 1 : LE METRO.
L’idée de la forme de lutte à employer dans la campagne du métro de février-mars 70 n’est pas tombée du ciel.
Des petits groupes de travailleurs passaient déjà régulièrement sans payer à la sortie de l’équipe du soir. Un soir, en mai 69, des flics avaient essayé de piquer l’un de ces resquilleurs.
Il s’était accroché à la rampe en appelant au secours ! La masse des gars sur le quai avait commencé à gueuler et à avancer sur les flics qui s’étaient rapidement esquivés en lâchant le gars.
C’est en partant de cette expérience des masses qu’on a discuté dans les ateliers et qu’on a décidé la forme de lutte à employer contre la hausse des prix du métro : se grouper en masse à la sortie de l’usine pour passer sans payer, se préparer à chasser les flics éventuels.
Exemple 2 : L’IDEE PREMIERE DU GROUPE OUVRIER ANTI-FLIC.
Au Département 49, un travailleur avait foutu sur la gueule devant la porte de l’usine à un régleur particulièrement fayot et flic, et avait été sanctionné.
Comme il avait opéré seul, sans mobiliser son atelier, personne ne l’avait soutenu, mais tout le monde était d’accord que le régleur était un salaud.
Les copains n’ont pas dit : « C’est une connerie, il aura’it fallu faire ceci ou cela ! » Au contraire, ils ont fait un tract où ils disaient : « C’était bien, mais ça pourrait être encore mieux, en frappant plus fort, en s’organisant avec des copains pour le faire sans risque de sanctions, en mobilisant les travail leurs’dans l’atelier » et lançaient une campagne contre les régleurs fayots.
Ce tract, pour montrer son sérieux, a été diffusé clandestinement. Pour faire passer l’idée que n’importe quel groupe de copains pouvait s’organiser contre les chefs et régleurs flics, il était signé GOAF. C’est de ce petit rien qu’est née l’idée de la milice ouvrière à Renault.
Il faut donc toujours être attentif à toutes les actions que font les masses; c’est là que l’on doit puiser nos idées.
C’est dans les grèves sauvages que l’on peut comprendre comment se débrouiller sans les syndicats et que l’on voit ce que les gars pensent réellement.
Mais il faut même prêter attention aux actions individuelles de révolte. Elles reflètent le plus souvent l’état d’esprit général, par exemple les sabotages, mais surtout les actions de gars qui cassent tout seul la gueule à leur chef, à un gardien ou à un délégué.
C’est en appliquant cette règle dans notre travail que l’on peut inventer de nouvelles idées, de nouvelles formes de lutte et d’organisation qui servent la Révolution dans les conditions actuelles.
Les libertaires et les membres du bloc, avec tout le courage du monde, n’appuient pas l’initiative des masses, ne libèrent pas la créativité et la lutte des masses. Ils tentent de « forcer » le passage d’une situation à une autre, par l’action directe, pensant être une allumette. C’est finalement la théorie de la « propagande par le fait », qui n’a jamais fonctionné nul part.
La lecture de ce document donne certaines perspectives, sans être parfaite. L’important, c’est de comprendre : les masses veulent être organisées, veulent se battre. Ceux qui ne veulent pas organiser les masses par peur de « l’autoritarisme » s’y substituent. D’autres veulent les organiser, refusant le principe d’avant garde, et sombrent dans une pseudo « accumulation pacifique des forces ». Il n’y a rien à tirer de tout ça. La Cause du Peuple, elle, scrute les idées justes venant de la mobilisation et cherchera, par tous les moyens, à les généraliser.