« Nous assistons à un génocide en temps réel, filmé, documenté, se déroulant sur nos écrans quotidiennement, et devant lequel nous sommes nombreux à nous sentir impuissants. » : c’est dans une tribune publiée dans Libération cet été que 230 artistes et personnalités publiques ont appelé Emmanuel Macron à reconnaître « l’Etat de Palestine, non seulement en réponse au massacre actuel, mais au nom du droit de ce peuple à exister. ». Parmi les signataires, on retrouve Médine, Angèle, Adèle Exarchopoulos, JoeyStarr, Renaud, Leïla Bekhti, etc.
Dans les métropoles impérialistes, il aura souvent fallu attendre plusieurs mois et la pression des masses, mobilisées dans la rue et sur les réseaux sociaux, pour entendre les voies de grandes figures du cinéma, de la musique ou du sport enfin fissurer la propagande génocidaire. Au coeur du monde Hollywoodien, les positions se font rares et très mesurées, tant les liens sont resserrés avec le Parti Démocrate en campagne. Parmi les quelques voix, on compte celle d’Angelina Jolie, ex-envoyée spéciale du Haut-commissariat de l’ONU pour les réfugiés : « Gaza est une prison à ciel ouvert depuis près de deux décennies et est en train de devenir rapidement un charnier. 40 % des personnes tuées sont des enfants innocents. Des familles entières sont assassinées. ». Dans le même temps, le couple Clooney fait lui aussi du soft power dans la position médiane, Amal Clooney étant l’une des avocates « expertes » auprès de la Cours Pénale Internationale ayant lancé le mandat d’arrêt contre Netanyahu et les dirigeants du Hamas et défini le « risque de génocide » en janvier.
Outre les Jeux-Olympiques de la honte, les rendez-vous culturels de l’été n’ont pas échappé à cette actualité. En Belgique, l’Eurovision a été interrompue par les salariés de la chaîne VRT : « Ceci est une action syndicale. Nous condamnons les violations des droits de l’homme commises par l’État d’Israël. ». Les participants du Show, plus grand concours de chant de la planète, ont aussi tenté de faire passer des messages malgré les interdictions. Le chanteur suédois Eric Saade, d’origine libano-palestinienne, a arboré un keffieh sur scène, ou l’artiste Bambie Thug (Irlande), avait fait inscrire « cessez-le-feu » et « liberté pour la Palestine » sur sa tenue.
Au mois d’août, la principale tête d’affiche du festival Cabaret Vert, dans les Ardennes, était le rappeur Macklemore. La star américaine a sorti le titre Hind’s Hall au mois de mai, dénoncant le génocide en cours, soutenu et financé par le gouvernement américain. Sur scène, il crie « De Gaza à la Cisjordanie, je veux qu’ils sachent que nous ne les oublions pas », avant de soutenir aussi les victimes de massacres au Congo et au Soudan. La parole de l’artiste est à contrecourant du silence des superstar de la musique américaine, parmi lesquelles la plus influente : Taylor Swift. Des drapeaux palestiniens ont ainsi fleuri dans les tribunes de son concert à Madrid, fin mai. Les fans de la chanteuse avaient même lancé le hashtag #SwiftiesForPalestine pour la pousser à prendre position.
Plus récemment, ce 7 septembre, la réalisatrice Américaine Sarah Friedland a utilisé son discours à la Mostra de Venise pour apporter son soutien au peuple palestinien : «En tant qu’artiste juive américaine, je reçois ce prix le 336e jour du génocide d’Israël à Gaza, et la 76e année d’occupation. C’est notre responsabilité en tant que cinéastes d’utiliser les plateformes institutionnelles dans lesquelles nous opérons pour aborder l’impunité d’Israël sur la scène mondiale». La bourgeoisie et la petite bourgeoisie représentent un paradoxe intéressant dans le monde de la culture, dont l’expression reflète les contradictions posées entre leur position de classe d’une part ; d’autre part les aspiration de leur public et la haute estime qu’ils portent à leur métier dans la mise en avant de valeurs humanistes. Le génocide de gaza expose cela : même dans les plus hautes sphères d’influence, la mobilisation populaire est le moteur premier de la bataille politique.