Mise en place par la ministre de l’Enseignement et de la Recherche Frédérique Vidal en 2018, la plateforme Parcoursup a cette année encore guidé le destin de centaines de milliers de néo-bachelières et néo-bacheliers. Initialement, la plateforme devait officiellement permettre une orientation juste des anciens lycéens vers l’Enseignement supérieur à partir de plusieurs veux formulés et acceptés ou non selon leur dossiers personnels, mettant fin au système de tirage au sort et se présentant comme plus juste que l’ancien système d’orientation. Dans les faits, le différentiels et aujourd’hui tel entre le nombre de places disponibles, les filières demandées et les voeux formulés que beaucoup de jeunes n’ont pas accès à la formation souhaitée. Très souvent, les jeunes issus des masses populaires et milieux modestes sont les premiers laissés pour comptes.
L’an dernier, c’est près de 59 000 jeunes sont restés sur le carreau, n’étant acceptés nul part à la fin de la phase d’admission. C’est 11 500 de plus que l’année précédente, lors du lancement de la plateforme. Cette année, les grands médias et la presse bourgeoise ne cessent de répéter que le Baccalauréat 2020 aurait été “donné” aux lycéen-ne-s. Les épreuves classiques remplacées par le contrôle continu en raison de la pandémie et du confinement, c’est 96% des lycéens qui ont cette année obtenu le diplôme (88% en 2019). La dernière fois qu’une mesure exceptionnelle sur les épreuves du Bac avait été prise, c’était suite à la grève générale et à la révolte de Mai et Juin 1968. Les lycées étant bloqués, les profs en grève, le Bac avait été organisé sans copies, entièrement à l’oral et obtenu par 81% des lycéennes, contre 62% en 1967. A la rentrée suivante, les 178 000 étudiants supplémentaires avaient trouvé une place à l’Université. Aujourd’hui, pour les 48 000 bacheliers supplémentaires, dont 20 000 inscrits supplémentaires sur Parcoursup, le chemin n’est pas aussi simple.
Le vendredi 17 juillet, date de la fin de la phase finale d’admission, le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche a annoncé que 585 000 lycéens et lycéennes ont eu une proposition d’admission sur Parcoursup. Ne permettant pas de classer les voeux par ordre de préférence, beaucoup sont orientés par défauts. De plus, le système est basé sur des listes d’attentes, avec les premiers acceptés dans une formation devant ou non confirmer leur choix, sans quoi la liste stagne et ne permet pas de proposer une place éventuellement libre à d’autres candidats. Les lycéen-en-s ont donc tout l’été un possible dilemme qui se pose à eux entre valider une proposition qui ne correspond pas à leur choix, où attendre qu’une place se libère dans une formation demandée sans aucune garantie que ce sera le cas. Depuis vendredi, c’est 9 500 lycéen-ne-s qui sont actuellement sur liste d’attente après cette première étape, contre 6 000 l’année dernière.
Pour les recalés, n’ayant pas accès à l’Enseignement supérieur malgré leur Bac, certains beaucoup le choix des petits boulots précaires pour retenter leur chance une année plus tard. Pour une majorité d’entre-elles et eux, ils et elles se tournent vers le service civique, dont le président Macron a annoncé le 14 juillet l’ouverture de 100 000 places supplémentaires à la fin 2020. Payé au lance-pierre, le service civique est une manière pour les collectivités, l’Etat ou des associations de disposer d’une main d’oeuvre utile et jeune.
Payé environ 500€ le mois, la rémunération n’est pas un salaire mais une “indemnité” et le travail effectué ne dépend d’ailleurs pas du Code du travail.
La presse bourgeoise fait régulièrement une corrélation entre le manque de places disponibles et le taux de réussite exceptionnel suivant le confinement, faisant passer le problème comme “technique” et ponctuel, mais il n’en est rien. En réalité, L’Enseignement supérieur en général et l’Université en particulier ont connus de grandes évolutions depuis les réformes qui ont suivies 68. Initialement défini comme un service public, accessible à toute personne titulaire du baccalauréat, les barrières sélectives se multiplient à l’entrée de l’Enseignement supérieur depuis les années 1990. Par la sélection à l’entrée, l’autonomie et la mise en concurrence des établissements à l’échelle internationale (chaque établissement décide de ses capacités d’accueil et des modalités de sélection), l’augmentation des frais d’inscription (mise en place de la CVEC, multiplication par 14 des frais d’inscription pour les étudiants étrangers hors UE, etc.), les mesures de sélections sont nombreuses.
Cette sélection a avant tout un caractère social. Se basant sur les dossiers personnels des élèves, leurs activités périscolaires et appréciations, là où l’Université avait connu une augmentation des jeunes issus des masses populaires l’intégrant dans les années 1960-1970, les réformes des dernières décennies inversent largement la tendance. Ce processus de libéralisation de l’Enseignement supérieur et de la recherche, se manifestant par l’autonomie, la concurrence et le recours aux financements privés, acte de plus en plus un enseignement et une recherche basés sur des intérêts économiques de court terme au service des entreprises des différents bassins d’emplois. Tout est fait aujourd’hui pour que seuls les étudiant-e-s issus de milieux favorisés, bourgeois ou petits-bourgeois, arrivent à décrocher leurs diplômes. Suivant le Bac, Parcoursup n’est que le premier rouage de cette machine à tri social. Si on a la chance d’avoir son diplôme et d’être accepté dans la formation de son choix, reste à avoir les moyens de payer les frais d’inscription et la CVEC, de pouvoir se débrouiller avec les bourses si on peut en bénéficier, sinon de réussir à suivre ses cours en parallèle d’un job étudiant.