Chute de Barnier et nomination de Bayrou : la République des repris de justice

Il fallait être aveugle pour ne pas le voir : le gouvernement Barnier était un fusible pour Macron, sa chute sur la question du budget n’était pas seulement attendue, elle est la conséquence de son rôle : un gouvernement de l’austérité, qui fait payer la dette aux prolétaires. Ramener le budget dans le vert sans se faire censurer ? C’était mission impossible tant l’opportunité était belle pour le RN et le NFP pour faire leurs choux gras sur cet échec.

Après une semaine de flottement, où tous les suspects habituels, de LFI au RN en passant par le PS et le PCF, se sont agités comme des poulets sans tête avec les hypothèses les plus absurdes de « démission » et de « premier ministre de gauche », Macron a nommé son ancien « commissaire au plan » François Bayrou en tant que Premier Ministre.

Le rôle de son gouvernement ne change en rien de celui de Barnier : sa marge de manœuvre est donc la même. Quand une crise politique devient une crise de régime, il ne suffit pas que les têtes changent pour que les problèmes s’évaporent. Au contraire, ils prennent de nouvelles formes et deviennent plus caricaturaux qu’ils ne l’étaient.

C’est ce qu’il se passe avec Bayrou : l’éternel loser à la présidentielle ; le gifleur d’enfants dans les cités de Strasbourg ; le premier à avoir fait interdire le voile à l’école et appuyé sur les folies réactionnaires il y a 30 ans quand il était ministre. Nous avions Barnier, le réactionnaire technocrate, altier, nous aurons Bayrou, le réactionnaire benêt, brute, LE politicien parmi les politiciens.

Macron nous amuse : il nomme celui qu’il a évincé il y a quelques années. Il place là un homme de main qui lui a craché dessus, et qu’il a piétiné en retour. Pendant que Marine Le Pen est jugée pour avoir profité de fonds public avec son parti, le nouveau premier ministre est lui-même en attente d’un procès en appel pour exactement la même chose.

Voilà un développement concret du processus de réactionnarisation : comme Olaf Scholz en Allemagne en 2021, le chef du gouvernement français est lui aussi un magouilleur, un truand, et celui qui l’attaquent, de la gauche à l’extrême droite, ne sont pas différents. N’est-ce pas Mélenchon qui s’est exprimé contre l’inéligibilité de Le Pen car cela pourrait menacer des gens de son propre parti, à commencer par Chikirou, mise en examen dans une affaire de comptes de campagne ?

Elle est loin, la « moralisation de la vie politique » du premier mandat de Macron. Pendant que le monarque présidentiel observe le panier de crabes de l’Assemblée Nationale gaiement entre deux voyages en tant que VRP de la bourgeoisie, les masses populaires de France paient l’addition chaque jour. Mais Macron n’a plus de base : détesté, il est l’incarnation d’un régime à l’agonie, d’une Vème République créée pour la crise et désormais incapable de l’endiguer. Il n’y a pas de « fatigue démocratique » en France : il n’y a que la réalité que les masses ne peuvent pas être dirigées comme avant, et la poursuite de cette crise le confirme. Ce n’est qu’un début !

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