Sous traitant d’Airbus et Dassault, le groupe Derichebourg Aéronautics Services emplois 36 000 salariés dans le monde. Dès fin mars, en plein confinement et face aux droits de retraits massifs, le PDG du groupe, Pascal Lannette, mettait la pression à ses salariés pour garantir ses profits, expliquant que si le travail ne reprenait pas, ils devraient « choisir de mourir de faim ou du virus » . Le 6 mai, le groupe disait vouloir supprimer près de 700 emplois à Toulouse (sur 1 600 au total) dès le mois de juin avec la mise en place d’un plan social (désormais dénommés “Plans de sauvegarde de l’emplois” – PSE). En alternative, il a été proposé aux salariés de signer un Accord de performance collective (APC) pour éviter les licenciements : Mais à quel prix ?
Créés par les ordonnances Macron de 2017 et entrés en vigueur en janvier 2018, les APC autorisent la modification du salaire ou du temps de travail dans une entreprise. Pour être adoptés, ces accords doivent être signés par les syndicats majoritaires, ou approuvés par référendum des salariés de l’entreprise. Pour solliciter un tel accord, aucun réel problème économique n’est à justifier pour l’entreprise, qui n’a pas à s’engager à réellement maintenir les emplois par la suite. Présentés comme un moyen de sauvegarder l’emploi, les APC prennent depuis leur mise en place la forme de plans sociaux déguisés et de casse systématique des droits élémentaires des travailleuses et travailleurs dans le cadre d’un grand chantage au chômage. Avec la crise économique liée à la pandémie actuelle, ces accords se multiplient. Avec Derichebourg, ce sont des groupes comme l’équipementier automobile Valeo, le groupe ADP, la compagnie Ryanair, la société d’études BVA, le fabricant LISI ou encore le journal L’ Équipe qui souhaitent les mettre en place. Depuis le début de la crise, c’est dans une quinzaines d’entreprises que des APC ont été signés ou sont en négociation, notamment dans les secteurs de la plasturgie, la métallurgie ou les transports routiers. Selon le ministère du travail, c’est près de 371 APC ont été votés depuis leur instauration.
Le 12 juin dernier, l’APC a été signé entre la direction de l’entreprise et le syndicat FO, majoritaire à Derichebourg. Suite à cette signature, les salariés acceptant l’accord vont donc voir leur salaire diminuer. Pour les plus bas montants de rémunération, la perte sera d’environ 20% de leur revenu mensuel. Environ 1400 personnes auraient acceptées l’accord, impliquant une baisse d’environ 300€ par mois de salaire, la suppression de la prime de nuit, des aides aux transports et à la restauration, ainsi que et la perte du 13è me mois pour ceux touchant plus de 2,5 fois le SMIC. Interrogée par Le Monde, une salariée dit subir une baisse de salaire de 500 euros net par mois, soit un quart de ses revenus. Devant rembourser un prêt immobilier, elle est désormais contrainte de travailler sept jours sur sept, quarante-cinq heures par semaine. Aussi représentatifs dans l’entreprise, la CFE-CGC et l’UNSA ont refusés la signature de l’accord, ces derniers dénonçant un accord présenté « sous forme de menace et de chantage » . Pourtant également présente, Info’Com-CGT n’a même pas réagit à l’accord, empêtrée dans des dissensions internes.
Pour les 163 salariés refusant cet accord, ils vont être simplement licenciés pour “cause réelle et sérieuse”, pour avoir refusé de baisser leur salaire. Ils représentent plus de
10% des salariés du site. La direction a annoncé que ces emplois ne seront pas remplacés par de nouvelles embauches avec les nouveaux niveau de rémunération. Cette décision confirme que l’APC est non seulement un moyen de supprimer les droits sociaux d’une simple signature d’un syndicat vendu, mais également de s’assurer un plan social très lucratif. Si la direction s’est engagée à maintenir les emplois jusqu’en juin 2022, rien ne l’y contraint et il est possible qu’un plan social soit quand même mis en place par la suite, peut être dès le mois de septembre. En mai 2020, le groupe a réalisé en France 5 562 000€ de chiffre d’affaire, soit un montant supérieur à ses prévisions initiales de 5 200 000€.
Le cas de Derichebourg est révélateur de ce que la bourgeoisie organise dans l’ensemble du pays. La crise économique accompagnant la crise sanitaire met en danger la production dans nombre de secteurs et donc ses profits. L’ensemble des mesures prévues par la loi sur l’ État d’urgence sanitaire prévoient de faire payer le coût de la crise aux travailleuses et travailleurs. Les APC, vantés par Emmanuel Macron dans son interview du 14 juillet portent à la fois la fin de nos droits et la perte des emplois. Loin d’être un cas isolé, l’accord de Derichebourg est une attaque portée contre toute la classe ouvrière !