L’annonce d’un couvre feu, à partir du samedi 17 à 21h, dans septs métropoles et toute l’ile de France, a provoqué des réactions horrifiées et des cris d’orfaie, de l’extrème gauche à l’extrème droite. De l’annonce de l’arrivée du « totalitarisme » à grand coup de citations de Georges Orwell, comme Olivier Besancenot, à la pseudo-défense de la petite propriété sous couvert de « défense de la culture » et « du monde de la nuit », chacun a trouvé une excuse pour s’opposer à la mesure mise en place par le gouvernement Macron. Pour Mélenchon, par exemple, c’est une mesure absurde car… on peut aussi se contaminer au travail ou dans les transports, alors même que la catégorie la plus touchée par les nouvelles infections se fait sur un critère d’âge, les jeunes sortant beaucoup.
Dans les masses, ça discute, ça gronde même parfois : contre l’absence de mesures, contre la défense de l’économie avant la santé. « On va tous le choper, à quoi bon ? », voilà ce qu’on entend souvent dans les usines et sur les lieux de travail, pour certains endeuillés entre mars et mai. Il y a en effet un relachement vis à vis des mesures « barrière partout dans la population. Mais cela ne vient pas de nulle part. Il y a, d’abord, l’impression de faire des choses inutiles, seul face au reste du monde, encouragé par l’absence de mesures, les imbroglios administratifs, etc. Et puis, pour les catégories supérieures de la population, c’est simple ; si l’on pense être « cas contact », on s’arrête, on s’isole. Mais comment s’isoler avec la pression d’un chef, d’une boite d’intérim, trois jours de carence sur un petit salaire, des résultats de tests qui mettent une, deux semaines à arriver, quand ils ne sont pas perdus ? Tout cela renforce l’impression de ne rien pouvoir faire, et contribue donc à ce phénomène de relâchement.
Mais cela ne veut pas dire qu’il y a une négation de la dangerosité du covid ou de la nécessité de mesures. On l’a vu, le mouvement anti-masques regroupe surtout des catégories supérieures et très peu de prolétaires. De la même façon, tout le monde n’est pas le ridicule Nicolas Bedos, prétendant « vivre jusqu’à en mourir » (lui qui sait que de toute façon, il recevra les meilleurs soins, qu’il n’a rien à assumer, rien à perdre, aucune carrence, aucun frais ne lui fait peur, etc). D’ailleurs, les prolétaires ont beaucoup moins la culture « de la nuit » que les petits-bourgeois. En général, on reste dans le quartier, avec des amis de longue date, dans un bar ou dans un appartement, voir simplement dehors, ne change finalement pas grand chose. La règle de six ne sera pas difficille à respecter tant on a plus l’habitude de petits regroupements en famille, avec les gens de confiance.
En effet, les prolétaires on, souvent, besoin d’épaules sur lesquels se soutenir tant la situation peut devenir compliquée très rapidement. Contrairement à la petite bourgeoisie libérale, il y a très peu de papillonage. Il faut de la discipline, de l’honneur, du respect. C’est en cela que la protestation contre le couvre feu porte un caractère de classe extrèmement marqué.
Pourtant, il ne s’agit pas d’une mesure facile à vivre. D’abord parce qu’on ne peut plus aller se changer les idées chez un ami, dans un café, le soir, quand on vit dans un appartement trop petit, trop froid, trop peuplé. Ensuite, parce que le couvre feu signifiera une pression policière beaucoup plus grande pour les quartiers populaires. Comme pendant le confinement, il faut s’attendre à de nombreux cas extrèmement choquants de violences policières – et donc à des révoltes. Enfin, parce qu’il faut abandonner tous les échappatoirs au quotidien : le sport du soir, les petites clopes entre amis au parc ou dans la cité, les courses pour une bouteille après minuit, dans des soirées qui aident à échapper au quotidien. Mais de cela, la Gauche, qui n’a aucun lien avec les masses, n’en parle pas. Pour elle, c’est la fermeture des bars qui pose problème et le fait de ne pas « pouvoir aller pisser à plus d’un kilomètre de chez soi», comme le déclarait lunairement François Ruffin.