Depuis quelques jours et l’annonce du reconfinement par Emmanuel Macron, la polémique enfle à propos de la fermeture des commerces non essentiels. En effet, durant le confinement, seuls sont autorisés à ouvrir les commerces vendant des produits de première nécessité (produits alimentaires, produits d’hygiène etc). Seulement, les commerces non essentiels contestent la légitimité de cette mesure, et accusent les supermarchés de concurrence déloyale. En effet, on trouve certes dans les supermarchés des produits alimentaires et d’hygiène, mais on y trouve également des rayons jouets, des rayons d’électroménager ou encore des rayons livres. Les vendeurs de ces produits considèrent donc que la fermeture de leurs enseignes et l’ouverture simultanée de rayons de supermarchés vendant les mêmes produits qu’eux constitue une concurrence déloyale. Face à cette situation, le gouvernement a décidé d’imposer la fermeture des rayons non essentiels des supermarchés. Dans le même temps, de nombreux commerçants vendant des produits non essentiels ont décidé de rester ouverts, et dans plusieurs villes, des maires ont signé des arrêtés municipaux les y autorisant.
Ce conflit entre les petits commerces et les grandes chaînes multinationales est gagné d’avance par ces dernières. En effet, le capitalisme d’aujourd’hui est un capitalisme monopoliste, un capitalisme impérialiste. Cela signifie que quelques dizaines de grandes entreprises contrôlent des pans toujours plus importants de l’économie. Ces multinationales peuvent racheter n’importe quelle petite entreprise leur faisant un petit peu de concurrence, elles peuvent également écraser leurs concurrents en baissant les prix, jusqu’à ce que la concurrence ne puisse plus suivre. En effet, ce qui caractérise ces grandes entreprises monopolistes, c’est leur capacité à produire des marchandises en immense quantité et en un temps réduit. Or, on sait que la valeur d’une marchandise est définie par le temps moyen socialement nécessaire à sa production. En faisant baisser le temps moyen nécessaire à la production de marchandises, les multinationales écrasent donc les petites entreprises qui ne peuvent pas suivre la cadence. De leur côté, les grandes entreprises s’accaparent toujours plus de parts de marché. Autrement dit, une petite entreprise a trois destins possibles :
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Devenir une grande entreprise et écraser à son tour les petites (cela est extrêmement rare)
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Se faire racheter par une grande entreprise (cela est plutôt rare)
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Survivre quelques années (ou décennies tout au plus) puis finir par faire faillite face à la concurrence des mastodondes du secteur (cela est l’option la plus fréquente)
Ce que nous venons de décrire plus haut, ce sont les caractéristiques du capitalisme contemporain, un capitalisme dans lequel un nombre toujours plus restreint de grands bourgeois détiennent toujours plus de pouvoir. Dans le même temps, les autres pans de la bourgeoisie se déclassent, et chaque jour des petites entreprises font faillite, faisant augmenter le taux de chômage et forçant les anciens patrons de ces petites entreprise à devenir à leur tour des prolétaires. Ce serait donc faire une erreur que de considérer qu’il suffit de « soutenir les petits commerces » pour lutter contre cela, car précisément, le capitalisme ne peut évoluer que dans ce sens tant qu’il n’aura pas été vaincu par la révolution prolétarienne. De plus, au cours du siècle dernier, la fusion du capital bancaire et du capital industriel a créé le capital financier, et aujourd’hui, aucune entreprise, aucune association, ne peut exister sans être dépendante à un moment ou un autre du capital financier. Or, ce capital financier est dans les mains de la haute bourgeoisie monopoliste. Cette bourgeoisie monopoliste a donc réussi non seulement à contrôler l’immense majorité des parts de marché de tous les secteurs d’activité, mais elle peut également, à travers le capital financier, contrôler la concurrence que lui font les plus petites entreprises : combien de petites entreprises font faillite, faute de pouvoir rembourser des emprunts bancaires ? Combien de petits commerces ne voient jamais le jour, faute d’obtenir un emprunt ? Toutes ces entreprises qui font faillite, toutes ces entreprises qui ne voient jamais le jour, c’est ça de concurrence en moins pour les entreprises monopolistes.
Nous venons donc de le voir, la réussite de petits entrepreneurs, la méritocratie capitaliste du chef d’entreprise valeureux qui a créé son entreprise en partant de rien, ce ne sont que des mythes, des « success-story » qui occultent la réalité du capitalisme contemporain et qui occultent le fait que même ces quelques entreprises qui réussissent sont dépendantes du capital financier et existent tant que la bourgeoisie monopoliste ne décide pas de les écraser.
Ainsi, être révolutionnaire, ce n’est en aucun cas apporter son soutien à des petites entreprises en les considérant à tort comme des remparts face au capitalisme monopoliste. Être révolutionnaire, c’est au contraire être conscient que l’émancipation du système capitaliste ne passera que par une révolution prolétarienne, être révolutionnaire, c’est être conscient que les dynamiques d’évolution du capitalisme ne peuvent pas être changées avec des réformes ou avec un soutien aux petites entreprises, car elles sont une conséquence intrinsèque et inévitable du fonctionnement du système capitaliste.