Le 1er décembre 2018, au plus fort du mouvement des gilets jaunes, d’importants affrontements ont lieu entre policiers et manifestants sur le Vieux-Port, à Marseille. Zineb Redouane, qui habite tout près de là, ferme alors ses volets quand un policier lui tire une grenade lacrymogène en pleine tête, la faisant chuter, inconsciente. Elle décèdera quelques heures plus tard. Deux ans après, alors que les autorités de l’État français ont tout fait pour étouffer l’affaire, une reconstitution en modélisation 3D réalisée par le média indépendant Disclose prouve la responsabilité de la police.
Alors qu’un rapport balistique en date de 2020 a conclu que le tir ayant conduit à la mort de Zineb Redouane était réglementaire, la reconstitution méticuleuse des journalistes de Disclose nous permet aujourd’hui d’affirmer que le tir n’était absolument pas réglementaire et que le rapport balistique tord la réalité.
En effet, le tir ayant tué Zineb Redouane a été réalisé avec un lanceur cougar DPR100, prévu pour tirer des projectiles à une distance de 100 mètres. La réglementation qui régie l’utilisation de ce type d’armes interdit formellement les tirs tendus, dans le but d’éviter que le projectile ne vienne heurter une personne. Cette réglementation précise que c’est au tireur d’anticiper la trajectoire du projectile et de ne le tirer que si il n’y a pas de risque qu’il vienne heurter qui ou quoi que ce soit dans sa phase montante. Ainsi, il est formellement interdit de tirer en direction d’un immeuble d’habitations, même en cloche. Or, grâce à la reconstitution effectuée par les journalistes de Disclose, nous savons que le tir a été effectué alors que l’immeuble dans lequel vivait Zineb Redouane se trouvait à 33 mètres du tireur, soit en plein dans la trajectoire montante du projectile. Le policier ayant tiré savait donc pertinemment qu’il tirait en direction d’un immeuble d’habitation.
Mais ce n’est pas tout. En effet, dès l’instant où le projectile a heurté le visage de Zineb Redouane, le policier l’ayant tiré a su qu’il avait tiré dans un appartement, il est même probable qu’il ait vu Zineb Redouane s’effondrer. En effet, la vidéo issue d’une caméra de vidéo-surveillance sur la base de laquelle la reconstitution a été effectuée montre que le policier regarde en direction de l’immeuble de Zineb Redouane pendant plus de 10 secondes après que la grenade a touché le visage de l’octogénaire. Le policier qui a tiré cette grenade a non seulement tiré, en toute connaissance de cause, en direction d’un immeuble d’habitation, mais il s’est en suite abstenu de porter assistance à Zineb Redouane en ne prévenant pas les pompiers, alors pourtant qu’il savait pertinemment que sa grenade lacrymogène avait pénétré dans l’appartement de Zineb.
De plus, cette vidéo prouve que ce policier a menti au cours de son audition. En effet, les cinq policiers porteurs de lanceurs cougar ce soir là ont tous affirmé qu’ils n’étaient pas à l’origine du tir. Or, si le meurtrier de Zineb Redouane a vu sa grenade pénétrer dans l’appartement, voire même toucher le visage de Zineb, il sait donc qu’il est responsable de ce tir mortel, et ment en disant qu’il n’en est pas à l’origine. Le fait que ce flic sache parfaitement qu’il est à l’origine de la mort de Zineb Redouane explique bien pourquoi les policiers présents ce soir là ont refusé de livrer leurs armes à la justice pour expertise balistique.
Au fond, cette affaire nous démontre une fois de plus à quel point toutes les institutions étatiques protègent les flics. En effet, dans cette affaire, tous les policiers impliqués ont menti, l’IGPN a tout fait pour blanchir le tueur, le procureur en charge de l’affaire a été de mèche avec les flics pour les couvrir et les auteurs de l’expertise balistique ont rendu un rapport qui tord la réalité.
Une fois de plus, il aura fallu qu’un média indépendant et la famille de la victime mènent eux-mêmes l’enquête pour que la vérité éclate au grand jour, et cette vérité, c’est que c’est bien le non respect de la réglementation sur l’utilisation du lanceur cougar par un policier qui a tué Zineb Redouane.
Cette enquête de Disclose, qui sort en plein mouvement social contre la loi de sécurité globale, illustre une fois de plus pourquoi l’État veut interdire de filmer et de diffuser des vidéos de flics : sans la diffusion de ces images par le média Disclose, la population ne pourrait pas avoir accès aux images prouvant que c’est bel et bien la police qui a tué Zineb.