Le 14 janvier dernier marquait les 10 ans de la révolution tunisienne. En effet, c’est le 14 janvier 2011 que, après deux semaines d’immenses manifestations partout dans le pays, le dictateur compradore soumis à l’impérialisme français Ben Ali a fui le pays en direction de l’Arabie Saoudite. Dix ans après, alors que le taux de chômage est supérieur à 16% et proche de 36% chez les jeunes, alors que 1,7 millions de tunisiens vivent sous le seuil de pauvreté, dont 500 000 en situation d’extrême pauvreté, alors que le pays est toujours dominés par l’impérialisme français, d’importantes révoltes ont éclaté depuis le 15 janvier.
Pour empêcher la population de célébrer les 10 ans de la révolution, le gouvernement a ordonné un confinement national de quatre jours, du 13 au 17 janvier, prétendument pour lutter contre l’épidémie de Covid-19. Cette décision, qui intervient dans un contexte très tendu puisque la pandémie est venue aggraver une situation économique déjà très difficile pour des millions de tunisiens, a mis le feu aux poudres et déclenché le 15 janvier des manifestations nocturnes dans les quartiers prolétariens des grandes villes du pays.
Depuis les premières manifestations nocturnes le 15 janvier, le mouvement n’a fait que prendre de l’ampleur, si bien que l’État tunisien a décidé de déployer l’armée pour réprimer la contestation dont les revendications sont simples : un emploi, un salaire, des services publics et de la dignité. L’État compradore tunisien, bureaucratique, corrompu et soumis à l’impérialisme français est incapable de satisfaire les revendications du peuple et joue donc la carte de la répression. Ainsi, dans la nuit du dimanche 17 au lundi 18 janvier, ce sont plus de 600 tunisiens qui ont été arrêtés pour leur participation aux manifestations.
Cette répression n’a cependant pas entamé la détermination des masses populaires tunisiennes à lutter, et le lundi 18 janvier, des milliers de personnes ont défilé dans le centre ville de Tunis pour revendiquer la libération des manifestants arrêtés. Ces manifestants, pour la plupart âgés de 20 ans voire moins, nous montrent que dix ans après la révolution, rien n’est terminé en Tunisie, et qu’une part importante de la population, en particulier dans la jeunesse prolétarienne, est prête à lutter. À ce propos, c’est sans doute la cité Ettadhamen, en banlieue nord de Tunis, qui est la plus emblématique. Peuplée de 140 000 personnes, cette municipalité construite illégalement dans les années 1970 par des populations issues de migrations intérieures au pays, a un taux de pauvreté de 70% et connaît chaque soir depuis le 15 janvier d’importantes manifestations au cours desquelles des centaines de jeunes affrontent la police avec des feux d’artifice et des cocktails molotovs. Ces jeunes, pour beaucoup issus des groupes de supporters des clubs de football de Tunis, sont habitués aux affrontements avec les forces de répression de l’État, car en Tunisie, les émeutes sont fréquentes dans les quartiers prolétariens, notamment à Ettadhamen. Mais l’intensité des émeutes de ces derniers jours dépasse largement l’intensité des petits affrontements sporadiques qui se jouent souvent dans le pays. De plus, depuis le 15 janvier, c’est bien tout le pays qui est en proie à un mouvement de révolte, et non uniquement la capitale Tunis. Ainsi, à Kasserine, Gafsa, Sousse, Siliana, Sfax ou encore Monastir, des manifestations ont également eu lieu.
Cette révolte qui prend de l’ampleur est un signe d’espoir pour tout le prolétariat tunisien, et de manière générale pour tous les peuples du Maghreb qui, dominés par l’impérialisme français, n’ont pas d’autre perspective que la révolution pour se libérer des griffes de l’impérialisme. Et quand la jeunesse prolétarienne tunisienne attaque la police et le gouvernement tunisien, c’est donc indirectement à l’impérialisme français qu’elle s’attaque. Ces révoltes spontanées sont donc une première étape. Il s’agit maintenant de structurer ces mouvements, de les organiser pour transformer la colère désorganisée en un véritable mouvement révolutionnaire.