Depuis la période précédant le référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne de 2016, le discours bourgeois est resté concentré sur deux questions principales : est-ce que le Brexit est bon ou mauvais pour le Royaume-Uni et pour l’Europe et comment pourrait-il être réalisé ? Pourtant, ces questions sont de nature secondaires, particulièrement avec l’accord du Brexit conclu et le Royaume-Uni officiellement sorti de l’Union européenne depuis la fin du 31 janvier 2020. La question principale est plutôt « pourquoi un Brexit ? » D’où vient l’impulsion pour que le Royaume-Uni quitte l’Union européenne ? Qu’est-ce qui a changé depuis 1973, quand le Royaume-Uni a adhéré au prédécesseur de l’Union européenne, la Communauté économique européenne ? Il existe de nombreuses « réponses » rapides à ces questions fondamentales et complexes : la souveraineté, la responsabilité fiscale, la « crise » migratoire en Europe, la xénophobie et l’ignorance. Cependant, tous ces termes représentent des enjeux politiques, économiques et sociaux antérieurs au Brexit de plusieurs décennies et sont pertinents dans tout pays européen, donc ils n’expliquent rien de particulier sur le Brexit. Ce discours des représentants de la bourgeoisie sert à confondre les effets et les causes afin de cacher le vrai motif du Brexit : la redéfinition des alliances impérialistes pendant la montée inéluctable des tensions entre diverses puissances et superpuissances impérialistes. La grande partie du prolétariat britannique qui a voté « leave » n’implique également rien sur la valeur de Brexit pour la classe ouvrière, mais indique plutôt la faiblesse idéologique de la classe ouvrière dans cet État due à l’absence historique d’un parti véritablement prolétarien pour la guider. S’attarder sur des questions comme est-ce que le Brexit est bon ou mauvais, c’est comme produire un jugement moral sur un phénomène naturel. Est-il bon que l’eau coule du haut vers le bas ? Comme l’eau coulant vers le bas, le Brexit est une nécessité, spécifiquement dans cette période historique définie par le capitalisme impérialiste. Le référendum et le discours bourgeois sur le Brexit ne servent qu’à cacher la nécessité du Brexit enracinée dans l’évolution de l’impérialisme. Il est nécessaire de rompre avec ce discours qui n’est que qu’une partie de la guerre psychologique des impérialistes contre le prolétariat, afin de comprendre pourquoi le Royaume-Uni a quitté l’Union européenne et ce que ça veut dire pour le prolétariat dans l’avenir proche.
Qu’est-ce que l’Union européenne ?
Avant d’aborder les motifs immédiats de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, il est important de revoir l’histoire et les origines de l’Union européenne pour voir au-delà de ses complexes organes de décision mystifiants et de saisir sa fonction essentielle : l’alliance des impérialistes de l’Europe. L’Union européenne n’a pas toujours été l’Union européenne. Sa première forme concrète était la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) établi par le traité de Paris le 18 avril 1951. La CECA a réuni la France, la République fédérale de l’Allemagne (RFA, l’Allemagne de l’Ouest), la Belgique, l’Italie, les Pays-Bas et le Luxembourg dans le but de faire collaborer les monopoles du charbon et de l’acier de ces pays sous une autorité supranationale. La dernière explosion de la crise de l’impérialisme entre 1939 et 1945 avait laissé la majorité de l’Europe en ruine, alors il y avait plus qu’assez de marchés à partager entre eux.
Le noyau de la CECA se composait de la nouvelle « amitié » franco-allemande entre la France et la jeune RFA. Après la Deuxième Guerre mondiale, une nouvelle position a l’égard de l’Allemagne est lentement devenue hégémonique au sein de la grande bourgeoisie française. Au lieu de continuer à essayer d’anéantir son voisin impérialiste et rival historique et de se retrouver regulierement dans une nouvelle guerre sanglante et destructrice sur son propre territoire, la bourgeoisie française a compris qu’il serait plus raisonnable de s’unir avec la nouvelle RFA contre des impérialismes concurrents plus importants et surtout contre les pays socialistes, URSS en tête. La légende officielle de la CECA proclamée par son concepteur, le ministre des affaires étrangères de la France Robert Schuman, reposait sur l’idée de mettre fin à la possibilité de la guerre entre la France et l’Allemagne en réglementant ensemble les industries du charbon et de l’acier. C’était l’idée que ces ressources essentielles à la guerre ne pourraient jamais plus être utilisées pour une autre guerre franco-allemande si elles restaient sous une gestion franco-allemande amicale. Cette légende sert également à cacher les nécessités de l’impérialisme à la base du « projet européen ».
Avant tout, le développement économique rapide et inégalé rendu possible par le socialisme sous la direction du camarade Staline avait obligé des impérialistes autrefois en concurrence sauvage pour les profits à coopérer pour légitimer leurs régimes au regard des masses face à l’alternative socialiste. C’était surtout le cas de l’Allemagne de l’Ouest par rapport l’Allemagne de l’Est (République démocratique allemande, RDA). Il était d’une importance stratégique pour les impérialistes de montrer que le capitalisme monopolistique est un système économique plus performant que le socialisme. Afin de propager cette illusion, les États-Unis et les puissances impérialistes européennes ont choisi de soutenir la reconstruction de la RFA et de permettre aux vieux monopoles allemands qui ont soutenu le régime nazi de se rétablir. Ce soutien combiné à l’énorme tâche de la reconstruction a même permis à la RFA de maintenir un taux de chômage sous les 2,5 % pendant les années 60 et le début des années 70, ce qui va à l’encontre d’une des lois essentielles de l’économie capitaliste : la nécessité de garder une suffisante réserve de chômeurs pour garder les salaires bas. Quel qu’en soit le coût, il n’était pas acceptable que la RFA ait un problème de chômage pendant que le chômage n’existe même pas en RDA…
La Lutte inter-impérialiste guide le projet européen
Cependant, la bourgeoisie impérialiste française avec ses nouveaux amis allemands ne craignait pas uniquement le socialisme. La Grande-Bretagne avec son énorme empire colonial est sorti de la guerre moins touchée que la France et économiquement plus forte. C’est pourquoi la France n’avait pas d’intérêt à inviter la Grande-Bretagne dans la CECA. L’impérialisme britannique était un concurrent supérieur à l’impérialisme français. Une alliance stratégique avec lui aurait mis les monopoles français dans une position désavantageuse par rapport aux monopoles britanniques. L’alliance impérialiste européenne embryonnaire concernait donc exclusivement les vieilles puissances impérialistes européennes qui cherchaient à se remettre sur pied ensemble après qu’elles se soient tellement massacrées pendant la guerre que d’autres puissances ont pu les dépasser.
Bien évidemment, les États-Unis étaient de loin la première superpuissance à la suite de la Deuxième Guerre mondiale. Pendant que l’Union soviétique devait reconstruire ses propres infrastructures et son industrie après avoir mené la grande majorité de la guerre contre l’Allemagne nazie, les États-Unis ont profité du Plan Marshall pour créer une demande sans précédent pour les monopoles états-uniens en Europe. Cela a renforcé les États-Unis comme la première superpuissance impérialiste au monde et a aidé à unifier les puissances impérialistes européennes autour des États-Unis. Depuis le début, une des raisons pour le « projet européen » était d’offrir une plateforme qui réunit les impérialistes européens sans les Yankees. Ils voulaient avoir une voie de manœuvre indépendante des États-Unis, notamment la bourgeoisie française qui rêvait d’exploiter la crise d’après-guerre pour établir sa propre suprématie sur le vieux continent.
Les traités successifs continueront à approfondir l’intégration économique entre les pays européens en supprimant les barrières économiques, principalement au profit des monopoles européens croissants. Par conséquent, l’alliance politique entre les impérialismes européens devient plus forte, mais des tensions internes persistent. En 1957, le traité de Rome rapproche les six pays de la CECA, marquant le développement de la Communauté économique européenne (CEE), de la politique agricole commune (PAC) et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA). Le but ultime de la CEE était la réalisation du marché unique européen, ce qui sera accompli en 1993. Pendant cette période, le Royaume-Uni a essayé de rejoindre la CEE en 1963 puis en 1967, mais il est bloqué à chaque fois par le veto du régime de De Gaulle. Le Royaume-Uni doit attendre jusqu’en 1973 pour rejoindre la CEE à la faveur de l’arrivée de Georges Pompidou au pouvoir en France.
Les monopoles britanniques avaient besoin de profiter du marché commun qui se développait entre les pays de la CEE. En 1945, le PIB du Royaume-Uni était environ 90 % plus grand que la moyenne du PIB des six pays fondateurs de la CEE. La libéralisation économique entre les six pays membres pendant la reconstruction d’après-guerre leur a permis de dépasser le Royaume-Uni en 1969 avec un PIB moyen de 2 % supérieur. La tendance continuera dans les années suivantes, ce qui fait figure de réussite importante pour la bourgeoisie impérialiste française qui avait été historiquement éclipsé par le niveau d’industrialisation britannique plus avancé. Parallèlement, l’incomparable empire colonial du Royaume-Uni s’est effondré grâce à la pression des luttes de libération des peuples opprimés armés et inspirés par une compréhension marxiste-léniniste de l’impérialisme. De plus, l’avantage comparatif du commerce britannique avec ses colonies et des semi-colonies n’était pas aussi rentable qu’un accès privilégié au marché européen en pleine reconstruction.
Trop peu et trop tard pour l’impérialisme britannique
Malheureusement pour l’impérialisme britannique, il est arrivé un peu en retard à la fête européenne. En 1974, le boom économique de la reconstruction d’après-guerre en Europe est définitivement fini et une récession fait le tour du monde. Parmi les pays les plus frappés, le Royaume-Uni. La récession de 1973 – 1975 a provoqué une contraction de presque 4 % du PIB du Royaume-Uni. La grande bourgeoisie française a réussi à empêcher la bourgeoisie britannique de profiter pleinement de la reconstruction européenne. Quand le Royaume-Uni est finalement devenu membre de la CEE, la principale motivation d’adhérer pour la bourgeoisie britannique était devenue pratiquement caduque. Tout comme pendant la période précédant la Deuxième Guerre mondiale, il manquait de nouveau des marchés rentables pour les monopoles. L’impérialisme était donc de nouveau sur le chemin sanglant de la lutte inter-impérialiste afin de s’emparer des marchés des concurrents par n’importe quel moyen.
Depuis ce changement qualitatif du capitalisme impérialiste, la bourgeoisie impérialiste britannique était confuse sur ce qu’elle faisait au sein du projet européen. Cette confusion représente une contradiction au sein de la bourgeoisie britannique qui s’est exprimée surtout au sein du Parti conservateur depuis la montée de Margaret Thatcher. Sa position sur le projet européen est surtout défini par son célèbre discours de 1988 au Collège d’Europe à Bruges contre davantage d’intégration européenne pendant son dernier mandat de première ministre. Pourtant, sa position sur le rôle du Royaume-Uni au sein du « projet européen » a été vacillante selon les circonstances tout au long de sa vie avec tout du moins comme constance la résistance à une « intégration européenne » trop puissante. En 1984, le régime de Thatcher demande avec succès de moins contribuer à la Politique agricole commune. La PAC sert à stabiliser le marché agricole européen en assurant l’achat des produits agricoles à des prix fixes, ou plus tard, en subventionnant les fermiers. Cependant, le Royaume-Uni, avec son taux d’urbanisation plus haut que les autres pays européens, ne bénéficiait pas autant de ce régime de subvention, qui représentait à cette époque la grande majorité du budget européen. Ce geste est symptomatique de l’attitude de la bourgeoisie britannique à l’égard de l’alliance impérialiste européenne naissante : elle aime y tremper ses pieds afin de permettre à ses monopoles et à ses banques de bénéficier du marché unique mais elle ne veut pas plonger dedans, craignant de ne pas pouvoir s’en sortir.
Déjà les précurseurs de l’Union européenne n’étaient pas guidés par des « valeurs européennes communes », mais par les nécessités de l’impérialisme. Les vieux impérialismes de l’Europe avaient besoin de s’unir pour se relever après la guerre. S’unir implique son opposé : l’exclusion. La nouvelle alliance impérialiste était une union qui ne servait pas à exclure seulement les pays socialistes, mais aussi les États-Unis et le Royaume-Uni. Il fallait les exclure afin de les dépasser un jour. Avec le développement de l’alliance impérialiste, les circonstances ont changé et on permis l’adhésion du Royaume-Uni. Néanmoins, la contradiction entre l’impérialisme britannique et les impérialismes du continent n’était pas résolue. Dans les décennies à suivre, cette contradiction resurgira sous des tensions interimpérialistes encore plus intenses et conduira à la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.
L’Impérialisme allemand de retour en tête en Europe
Même si l’alliance impérialiste européenne a principalement servi l’impérialisme français au début sous la forme de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), c’est l’impérialisme allemand qui a bénéficié le plus de cette alliance. Sa résurgence rapide et inattendue et son rôle décisif aujourd’hui dans la direction de l’Union européenne est le facteur final pour la décision de la bourgeoisie britannique de retirer le Royaume-Uni de l’UE.
Suivant la Deuxième Guerre mondiale, l’Allemagne était littéralement en ruine. Partitionnée entre différentes puissances, les impérialistes ont réuni les secteurs sous leur contrôle et mobilisé les chefs d’industrie et bureaucrates de l’ancien régime nazi pour relancer l’économie sous le drapeau de la République fédérale de l’Allemagne (RFA). C’était la résurrection de l’impérialisme allemand et l’alliance impérialiste européenne a été son incubateur. Très rapidement, l’impérialisme allemand allait se développer pour dépasser même l’impérialisme français qui l’avait favorisé pour ses propres buts stratégiques. La France et la RFA ont toutes deux connu une croissance annuelle du PIB bien supérieure à 5 % au début de la reconstruction d’après-guerre, mais la tendance générale était à la baisse avec l’approche de la fin de la période de reconstruction. Le PIB annuel et la population des deux pays étaient aussi assez comparables avec la RFA prenant progressivement de l’avance. Cette période est marquée par un équilibre relatif entre les deux principales puissances du continent européen. C’est pendant cette période que l’alliance franco-allemande forme le centre de la Communauté économique européenne (CEE) et mobilise les ambitions des impérialismes européens dans l’intérêt commun d’une résurgence mondiale.
Pourtant, une condition d’équilibre ne peut être que temporaire, car le changement est continu et donc une transformation qualitative est inévitable. Cette transformation s’aboutira très brusquement avec l’annexion de la République démocratique allemande (RDA) par la RFA en 1990. L’absorption du territoire de la RDA dans la RFA a augmenté la population de la RFA de plus de 16 millions de personnes. La RDA avait une des plus fortes économies industrielles du Bloc de l’Est. La liquidation et l’acquisition du secteur industriel de la RDA par les monopoles allemands ont ouvert un énorme terrain d’investissement avantageant les monopoles allemands. Cela a servi comme une source de croissance stable pour l’impérialisme allemand. Cette expansion vers l’Est a aussi donné à l’Allemagne « réunifiée » un accès géographiquement stratégique pour renforcer l’expansion du capital monopolistique allemand dans les autres pays d’Europe de l’Est, dont les économies entières avaient également été liquidées par des programmes de privatisation plus ou moins rapides et corrompus. Ce changement a déséquilibré le partenariat franco-allemand. Suivant l’annexion de la RDA, l’Allemagne a connu un court essor économique provenant de l’exploitation de la ruine de l’économie de l’Allemagne de l’Est avec une croissance du PIB supérieure à 5 % en 1990 et en 1991. En 1991, le PIB de l’Allemagne dépasse 1 700 milliards de dollars et la population approche 80 millions. Pour comparer, en 1991 le PIB de la France ou du Royaume-Uni dépassait à peine 1000 milliards de dollars avec des populations d’environ 57 millions. Avant l’annexion de la RDA, la RFA prenait déjà une avance importante sur la France et le Royaume-Uni, mais l’annexion a consolidé la position de l’Allemagne comme la première économie d’Europe et la troisième plus grande économie mondiale après les États-Unis et le Japon. En 1998, sous la direction du nouveau gouvernement de coalition social-démocrate et vert, l’Allemagne participe dans sa première guerre depuis la Deuxième Guerre mondiale en bombardant la Serbie prétendument pour des motivations « humanitaires ». Avec ces développements, l’Allemagne dispose à nouveau d’un potentiel pour devenir une superpuissance impérialiste.
Les superpuissances, les puissances et les alliances entre eux
En essence, une superpuissance impérialiste est un État impérialiste avec une tendance à l’hégémonie mondiale sur le plan économique, politique, et militaire. Sa puissance dans ces trois domaines a une portée mondiale qui bouleverse les puissances impérialistes « normales ». La domination militaire mondiale des États-Unis est un exemple clair de ceci. La France a la capacité de garder une présence militaire semi-permanente dans une grande partie de l’Afrique, mais elle n’a pas les moyens d’entretenir un réseau de bases militaires et de navires à travers le continent ou partout dans le monde comme le font les États-Unis. Les simples puissances impérialistes comme la France ou l’Allemagne doivent exploiter des alliances avec d’autres pays impérialistes en espérant de devenir elles-mêmes des superpuissances impérialistes. C’est la dynamique de la lutte inter-impérialiste en évolution constante vers la guerre mondiale. L’alliance impérialiste européenne, représentée comme «l’Union européenne», est une manifestation de ce phénomène.
Les États impérialistes relativement petits comme en Europe sont également désavantagés par rapport aux grands pays impérialistes comme les États-Unis, la Chine ou la Russie. Les grands pays avec leurs vastes territoires bénéficient d’une importance géopolitique majeure, d’une domination des réseaux logistiques et d’énormes réserves de ressources stratégiques. Leurs grandes populations produisent un large prolétariat hautement productif formant une force de travail très efficace pour les monopoles grâce au haut niveau de développement technologique. De plus, la supériorité numérique permet de mobiliser beaucoup de chair à canon pour les guerres impérialistes. Il ne faut pas être un grand pays pour être une superpuissance impérialiste, mais cela aide beaucoup. Il est encore plus difficile pour un petit pays impérialiste de devenir une superpuissance impérialiste dans l’ombre d’une ou de plusieurs superpuissances impérialistes. Quoique l’Allemagne s’est établie en tant qu’une sorte de « mini-superpuissance » strictement à l’échelle européenne, l’impérialisme allemand n’a toujours pas les ressources financières, le réseau international, ni la puissance militaire pour devenir une vraie superpuissance impérialiste mondiale. Le territoire allemand est beaucoup plus petit que celui de la France et a depuis longtemps épuisé ses ressources naturelles, à l’exception des réserves inefficaces et non rentables comme le lignite. Bien que la population de l’Allemagne soit la plus grande en Europe (excluant la Russie), elle est aujourd’hui en crise démographique avec un âge médian approchant 50 ans. Par rapport à sa capacité militaire, même la France est beaucoup plus développée. Afin de dépasser ces limites, l’Allemagne s’engage dans la lutte inter-impérialiste à la tête de l’alliance impérialiste européenne, cherchant à l’utiliser comme moyen de devenir la prochaine superpuissance impérialiste. Afin de réaliser ce but, le programme de l’impérialisme allemand au sein de l’alliance est simple : plus « d’intégration européenne ».
La naissance de l’Union européenne et la croissance de « l’intégration européenne »
Avec la résurgence de l’impérialisme allemand, l’Allemagne a progressivement réussi à instrumentaliser l’alliance impérialiste européenne dans son intérêt par des moyens directs et indirects. Un exemple de moyen direct est la représentation allemande dans le Parlement européen. Dans ce parlement, chaque pays reçoit un nombre de sièges en proportion approximée à sa population. Même si les petits pays reçoivent plus de sièges qu’ils devraient avoir par rapport à leurs populations, l’annexion de la RDA par la RFA a augmenté le nombre de sièges allemands à 96, représentant la plus grande part du parlement avec 13 % des 705 sièges. Le deuxième pays en nombre de députés européens est la France avec 79 sièges. Les sièges sont ensuite divisés entre les divers partis européens supranationaux, mais l’avantage numérique donne quand même une importance stratégique à l’Allemagne. Elle peut jouer le rôle le plus décisif concernant la validation de certaines lois européennes, du budget européen et de la Commission européenne, où se situe le vrai pouvoir de l’UE.
Pourtant, ce sont surtout les moyens indirects qui bénéficient à l’impérialisme allemand. La réalisation du projet de la CEE pour un marché unique en 1993 est marquée par la mise en œuvre du traité de Maastricht. Avec les anciennes barrières au commerce, aux capitaux et à l’accès à la force de travail étrangère abattues, le traité de Maastricht a introduit une nouvelle phase dans le processus « d’intégration européenne ». Sous ce vieux mot à la mode, des projets encore plus ambitieux ont été entrepris, à savoir une devise unique et la citoyenneté européenne. En effet, l’émergence de « l’intégration » représente un moyen de dépasser les limites des petits pays impérialistes sans immédiatement entamer une guerre expansionniste sanglante. Le marché unique européen permet aux monopoles européens de profiter librement du plus important marché au monde en termes de chiffre, permettant au capital de librement franchir les étroites frontières des puissances impérialistes européennes. Le marché unique facilite la construction de grandes chaînes de productions internationales, ce qui aide à maximiser les profits à chaque étape de la production. L’introduction de l’euro facilite le commerce dans le marché unique et crée la deuxième devise la plus importante du monde. L’euro permet alors de rivaliser avec la domination mondiale du dollar états-unien. Elle prive aussi les pays de la zone euro du pouvoir de dévaluer leur propre monnaie, ce qui les empêche de dévaluer leur propre devise et attirer du capital de l’extérieur de l’UE, donnant un avantage incontournable aux monopoles du marché unique à exploiter la main d’œuvre des pays les plus pauvres de l’union. Dans le même intérêt, la citoyenneté européenne permet aux puissances impérialistes européennes de renforcer leur main-d’œuvre dans leur pays avec des travailleurs étrangers venant de ces mêmes pays pauvres. Ceci est particulièrement important pour les pays en crise démographique, tels que l’Allemagne. Le traité de Maastricht a aussi appelé à une politique étrangère et de sécurité commune. La signification finale de cela n’est toujours pas claire, mais la discussion sur la formation d’une armée européenne n’est pas terminée, les objectifs de l’OTAN sous la direction des États-Unis continueront à diverger des intérêts des impérialistes européens après la présidence de Trump.
Pour certaines puissances impérialistes telles que la France et l’Allemagne, le plan lancé avec le traité de Maastricht était la voie pour contourner leurs limites matérielles afin de pouvoir concourir avec les grandes superpuissances. Cela est devenu encore plus évident avec le début de l’intégration des anciens pays du bloc de l’Est dans l’Union européenne. En mai 2004, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, la Hongrie et la Slovénie adhèrent à l’Union européenne, marquant le début d’une longue campagne d’expansion vers la sphère d’influence de l’impérialisme russe en Europe Centrale, du Sud et de l’Est. Cette expansion a fait passer plusieurs semi-colonies sous l’hégémonie de l’alliance impérialiste européenne, accentuant la valeur du projet d’intégration pour les impérialistes européens. Ils avaient soudainement obtenu un accès privilégié à une vaste partie de l’Europe voisine, dotée d’infrastructures développées et d’une main-d’œuvre bon marché et hautement qualifiée. Ces semi-colonies étaient ruinées économiquement par la liquidation de l’industrie nationale sous le couvert de réformes libérales accélérées. Ce qui s’est passé était en fait une énorme destruction volontaire des forces productives rendant ces pays propices à des investissements étrangers rentables. Cela a contribué à atténuer l’effet économique de la fin du boom de reconstruction de l’après-guerre en 1973 en ouvrant un grand marché que les impérialistes européens purent bien partager entre eux pour un certain temps. Le pillage et l’exploitation économique des anciens pays du bloc de l’Est et plus tard de la Yougoslavie ont rapproché les puissances de l’alliance impérialiste européenne dans le cadre d’un arrangement mutuellement avantageux.
En échange, les semi-colonies « bénéficient » des fonds de cohésion, qui avec l’expansion de l’Union européenne, représentent une partie de plus en plus importante du budget européen. Ces fonds sont officiellement conçus pour promouvoir le développement économique et écologique des pays les plus pauvres et résoudre l’inégalité entre les pays membres. Pourtant, ils tendent à cibler le développement d’infrastructures qui facilitent l’exploitation impérialiste de pays semi-coloniaux. Pour la période de 2014 à 2020, le budget pour les fonds de cohésion était d’un peu plus de 72,5 milliards d’euros avec plus de 38 milliards pour les « infrastructures de réseau dans le domaine des transports et de l’énergie ». Ces projets servent principalement à élargir les Réseaux transeuropéens (RTE), un projet lancé avec le traité de Rome en 1957. Pour les impérialismes européens, les RTE représentent ce que les nouvelles routes de la soie représente pour le social-impérialisme chinois. Les deux sont les plus grands projets d’infrastructure de l’Histoire. Les RTE ont été proposés à la CEE par la Table ronde des industriels européens (European Round Table, ERT), qui rassemble les plus grands monopoles européens dans le groupe de lobbying le plus important d’Europe. L’intention de l’ERT avec le RTE était de donner un vrai poids économique à l’intégration européenne en développant des réseaux de transport compatibles et liés entre tous les pays de l’union. En bref, c’est un objectif économique central de l’alliance politique. Comment faire autrement pour être compétitif en tant qu’alliance contre des pays bien intégrés logistiquement comme les États-Unis ou le Japon ? En outre, l’échelle colossale du projet était une forme d’intervention capitaliste d’État pour stimuler les économies européennes en ralentissement. En principe, ces projets d’infrastructure européenne dans les semi-colonies de l’UE ne diffèrent pas des anciens projets ferroviaires dans les colonies européennes : des grands investissements stratégiques qui sont remboursés au centuple par l’intensification de l’exploitation du prolétariat ou des peuples opprimés.
Malgré tous les développements de l’intégration européenne, l’Union européenne ne pourrait jamais être plus qu’une alliance des impérialistes européens. Helmut Kohl, en tant que chancelier de la RFA entre 1982 et 1988, était bien conscient des limites du projet et appelait donc à la création d’une union politique à la hauteur de l’union économique. Pour que l’Union européenne ait la volonté politique unifiée d’une superpuissance impérialiste, il faudrait des « États-Unis d’Europe », mais cette idée est utopique tenant en compte les divisions entre les diverses bourgeoisies nationales, sans parler des divisions au sein d’une seule et même bourgeoisie nationale. Cela a été bien démontré par le désaccord entre l’Allemagne et la France sur les termes du traité de Nice, signé en 2001. L’Allemagne voulait plus de représentation au Conseil de l’Union européenne par rapport à sa plus grande population, mais la France voulait garder un équilibre de voix entre les deux pays. Le système adopté était un compromis entre les deux puissances. Cependant, la nécessité de plus d’intégration était claire pour les plus grands monopoles européens, ce qui a mené au traité de Lisbonne de 2007. La mise en œuvre du traité de Lisbonne en 2009 a donné un fonctionnement interne plus semblable à un système politique d’État. Par exemple, le traité a rendu la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne juridiquement contraignante, a remplacé le critère de vote unanime par le vote majoritaire dans beaucoup des domaines de décision du Conseil de l’Union européenne et a donné plus de pouvoir réel au Parlement européen, notamment le droit d’approuver ou de mettre son veto au budget européen.
L’économie de l’UE en 2020 représentait un PIB de plus de 18 milles millards de dollars. Elle est la troisième économie du monde après celles des deux plus importantes superpuissances impérialistes : les États-Unis et la Chine. L’euro est la deuxième réserve de change du monde, permettant aux puissances européennes de contourner un peu la domination du dollar états-unien, qui rapporte d’énormes avantages aux États-Unis pour sortir des prêts et forcer l’application de ses sanctions. Cette alliance des impérialistes européens est un véhicule pour rivaliser avec les grandes superpuissances impérialistes et le seul moyen pour les puissances impérialistes européennes de devenir des superpuissances impérialistes. Sans cette alliance développée, les impérialismes européens auraient été soumis politiquement il y a longtemps à l’impérialisme états-unien, comme l’a été l’impérialisme japonais. Cependant, la réticente bourgeoisie britannique a finalement décidé que le développement continu de l’intégration européenne n’était pas la voie pour ses intérêts.
Les Divergences des puissances impérialistes européennes
Après avoir obtenu le droit de moins contribuer à la Politique agricole commune sous la CEE, le Royaume-Uni a continué à participer aux projets de l’alliance impérialiste européenne d’une manière très prudente. Il a obtenu une option de retrait de l’Accord sur la politique sociale, rattaché au traité de Maastricht. Il n’était pas obligé d’adopter l’euro non plus afin de garder la livre sterling, favorisant la suprématie du dollar états-unien. Avec la mise en œuvre du traité de Lisbonne et les développements des contradictions inter-impérialistes qui ont suivi, l’approfondissement du projet d’intégration allait trop loin en faveur de l’impérialisme français et surtout de l’impérialisme allemand. Il est devenu clair pour la bourgeoisie britannique qu’elle était la dernière dans cette course à trois chevaux.
L’impérialisme allemand avait réussi à guider l’alliance impérialiste européenne dans une direction qui sert son plan pour devenir la prochaine superpuissance impérialiste. Ce plan est suffisamment détaillé dans le document « Stratégie industrielle nationale 2030 — Orientations stratégiques pour une politique industrielle allemande et européenne » (Nationale Industriestrategie 2030 – Strategische Leitlinien für eine deutsche und europaische Industriepolitik) présenté par le gouvernement allemand. Un argument central du document est la nécessité de renforcer les grands monopoles allemands contre la concurrence étrangère à travers le soutien de l’État. Un des rôles centraux de ce capitalisme d’État agressif est de sécuriser des « chaînes de valeur » disponibles dans une zone économique, partant de la production de matériaux de base et la recherche jusqu’à la fabrication et la distribution. Bien évidemment, ces chaînes de valeur au service du capital monopolistique allemand ne se développeront pas sur le territoire hostile d’une autre puissance impérialiste concurrente, mais surtout dans les semi-colonies de l’UE telles que la Hongrie ou la Slovaquie, où l’industrie automobile allemande s’impose déjà massivement. Parallèlement, le contenu du « Livre blanc des forces armées » (Weißbuch der Bundeswehr) de 2016 appelle à une centralisation de la politique de guerre de l’UE et le renforcement du leadership militaire en mobilisant les capacités militaires d’autres pays. L’Allemagne envisage de soumettre les armées d’autres pays dans des « coalitions » afin de renforcer la puissance militaire de l’agression impérialiste allemande. Les semi-colonies européennes dominées économiquement par l’Allemagne seront certainement les premières à fournir la chair à canon à cette Wehrmacht multinationale avec le soutien de régimes bureaucrate-capitalistes obéissants à Berlin. En attendant, l’Allemagne profite de son important excédent commercial pour augmenter son budget militaire d’année en année depuis 2016, allant de 40,89 milliards de dollars en 2015 à 54,56 en 2021. En tandem, ces deux stratégies servent de passerelle à l’impérialisme allemand pour surmonter ses limites matérielles et, à nouveau, pour avoir une véritable chance de devenir une superpuissance impérialiste, comme en 1939. Tout cela serait impossible sans les ambitieuses machinations de l’alliance impérialiste européenne.
Similairement, la France cherche à exploiter l’alliance impérialiste européenne pour sécuriser sa propre suprématie dans les décennies à venir. Pendant que l’impérialisme allemand souhaite s’enraciner plus profondément dans le « Lebensraum » des semi-colonies vers l’Est, l’impérialisme français a besoin d’enfoncer plus profondément ses crocs parasitaires dans ses anciennes possessions coloniales africaines afin de préserver un avantage concurrentiel contre de plus grands pays impérialistes. À cet égard, la principale menace pour l’impérialisme français est le social-impérialisme chinois qui se répand rapidement en Afrique et que l’impérialisme français n’a ni les moyens financiers ni la capacité militaire de contrer tout seul. La France veut également une centralisation de la politique de guerre de l’UE, mais pour renforcer sa lutte désespérée pour maintenir la « Françafrique » dans ses chaînes néocoloniales. Depuis 2019, le budget militaire français est aussi en expansion annuelle, atteignant 59,5 milliards de dollars en 2021.
Cependant, qu’est-ce que le Royaume-Uni a à gagner de cette alliance dans la présente situation inter-impérialiste ? L’avantage principal de l’UE pour l’impérialisme britannique était la libre circulation des capitaux qui permettait à son énorme secteur de service financier de profiter librement du marché européen. Le Royaume-Uni a une des économies les plus parasitaires du monde avec un très grand secteur financier par rapport à un faible secteur industriel et agricole. La grande bourgeoisie britannique a réussi à maintenir Londres comme le centre financier international en Europe en exploitant sa proximité économique, politique et géographique avec l’Europe et les États-Unis. Pourtant, la direction de l’Union européenne vers plus d’intégration risque d’aller à l’encontre de ce jeu à double sens. Cela a été exemplifié par la courte guerre douanière initiée par l’administration Trump en 2018 contre l’UE et la pathétique tentative européenne d’y répondre. Le président Trump est parti, mais il a dévoilé la contradiction inter-impérialiste entre les États-Unis et l’alliance impérialiste européenne et plus personne ne peut l’ignorer maintenant. Tôt ou tard, l’impérialisme britannique devait choisir entre l’Europe et les États-Unis. Pour l’impérialisme britannique, quel est l’intérêt de contribuer à hauteur de milliards de dollars aux fonds de cohésion, qui servent surtout à développer des infrastructures industrielles de peu d’importance pour le capital financier britannique ? Quel est son intérêt de s’intégrer dans une coalition militaire européenne qui emmêlerait sa propre armée dans la guerre néocoloniale de la France au Sahel ? Le choix était clair : le Brexit.
L’Alliance anglo-américaine
Dans le contexte de la lutte inter-impérialiste, le Brexit est une transformation qualitative de la contradiction entre l’impérialisme étatsunien et les impérialismes du continent européen. Une ligne de démarcation géopolitique avait été tracée le long de la Manche et l’alliance anglo-américaine a été consolidée. Dans la période précédant la déclaration du référendum sur le Brexit, le Royaume-Uni cherchait à donner une dernière chance à l’UE. En 2016, le gouvernement de David Cameron avait réussi à renégocier plusieurs changements aux conditions d’adhésion du Royaume-Uni à l’UE et aux règles de l’union si le résultat du référendum était « Rester ». Depuis 1984, le Royaume-Uni a continué de recevoir le « rabais britannique » négocié par Thatcher qui servait à radicalement réduire la contribution du Royaume-Uni au budget européen au motif que le pays ne bénéficie pas autant des subventions agricoles de la PAC que d’autres pays membres, notamment la France. Sous la menace d’abandonner l’union, le régime des torys a obtenu encore plus de concessions affaiblissant l’intégration européenne, permettant de mieux refuser les propositions de lois européennes et de limiter les droits de la citoyenneté européenne. Néanmoins, cela n’a pas suffi. Rester dans l’Union européenne signifierait une soumission à une forte autorité supranationale qui favorise l’impérialisme allemand.
En revanche, les États-Unis, en tant que la première superpuissance impérialiste ne forcent pas le Royaume-Uni à se conformer à de nouvelles contraintes puisqu’il respecte déjà l’hégémonie états-unienne. Le secteur financier britannique a perdu son libre accès à l’Europe, mais il est aujourd’hui stratégiquement plus proche des États-Unis que jamais. Débarrassé des contraintes de l’UE, il peut librement affirmer son engagement diplomatique, économique, politique et militaire en soutien de l’impérialisme états-unien, surtout contre la Russie. Cela peut ouvrir des portes à des accords commerciaux exclusifs. Avant de quitter l’UE à la fin de 2020, le Royaume-Uni avait déjà signé 37 accords commerciaux pour l’ère post-UE. De nombreux autres accords sont en cours de réalisation, incluant un futur Accord de libre-échange entre le Royaume-Uni et les États-Unis (United Kingdom – United States Free Trade Agreement, UK-US FTA). Un accord commercial favorable avec les États-Unis pourrait renforcer le secteur financier britannique plus que l’adhésion à l’UE.
L’Ère des trois alliances impérialistes
La montée des contradictions inter-impérialistes est de plus en plus évidente, pourtant il existe une erreur commune consistant à dire qu’il arrive une « nouvelle guerre froide ». Cette conclusion implique une période de conflit prolongé et à basse intensité entre « l’Occident » et « l’Orient ». Premièrement, la réelle division est plus complexe, étant en évolution perpetuelle et soulignée par des dépendances inévitables sur l’impérialisme yankee. Néanmoins, elle peut être représentée en trois camps impérialistes : une alliance anglo-américaine qui unit aussi le Canada, l’Australie et le Japon ; une alliance européenne des pays impérialistes de l’UE, et finalement l’alliance sino-russe, née de la valeur stratégique pour la Russie et la Chine de s’unir contre l’agression de l’alliance anglo-américaine. Deuxièmement, ce conflit ne serait pas « froid ». Aucun impérialisme aujourd’hui ne va passivement se dissoudre, permettre la destruction massive de ses forces productives et s’ouvrir au capital monopole de l’ennemi, comme l’URSS et les autres pays du bloc de l’Est l’ont permis. Les impérialistes se mobiliseront pleinement dans la re-division du monde pour la survie du capital monopolistique, ou en d’autres termes, pour le profit, même si cela signifie une autre guerre mondiale.
La cause fondamentale de Brexit est le développement précoce et inévitable du futur processus de re-division violente du monde entre impérialistes rivaux. L’impérialisme britannique a définitivement choisi son camp et cela convient également aux impérialismes allemand et français, qui peuvent maintenant guider l’alliance impérialiste européenne comme ils le souhaitent sans la résistance constante du Royaume-Uni. Il ne faut croire ni la rhétorique de « souveraineté », qui masque le choix de la bourgeoisie impérialiste britannique, ni la propagande clichée de l’alliance impérialiste européenne, qui diabolise ses détracteurs en jouant les impérialistes « à visage humain ». Pour le prolétariat, la seule voie est la construction de son propre pouvoir pour créer un monde libéré de la domination capitaliste-impérialiste. Cette voie est la révolution socialiste unifiant le prolétariat et les peuples opprimés, la grande majorité de l’humanité, contre la bourgeoisie impérialiste en entier et ses laquais.