Le 11 Septembre 2021, tous les médias du Pérou ont interrompu leurs programmes pour diffuser la même information : le Dr Abimael Guzman, connu par le plus grand nombre sous le nom de Président Gonzalo, était décédé. Depuis 1992, il était emprisonné sur la Base Navale de Callao, une prison de haute sécurité, où il vivait enfermé dans une petite cellule, à l’isolement, sans contact avec le monde extérieur. Pendant plus de 40 ans, il a été l’ennemi public n°1 de l’État péruvien.
Qui était le Président Gonzalo ?
Il est né au Pérou, en 1934, dans un pays en crise. La société péruvienne est divisée : les indigènes et métis, qui composent une grande partie de la population du pays, vivent dans des conditions misérables, le racisme fait rage. Les problèmes du Pérou sont hérités de son passé colonial et de sa soumission aux grandes puissances comme l’Espagne, puis l’Angleterre et finalement les États-Unis : les paysans pauvres sont privés de leur terre, meurent de faim et sont durement traités par des propriétaires qui se comportent envers eux comme un maître avec des esclaves. 70 % des terres sont possédées par 2 % des propriétaires. Sur les villes côtières comme la capitale Lima, la misère règne pour le peuple. La guerre contre l’Équateur, la dictature militaire, la répression des syndicats et des politiques révolutionnaires : voilà le contexte dans lequel le jeune Abimael Guzman grandit.
A Arequipa, où il étudie, il est influencé par les œuvres de José Carlos Mariatégui, le fondateur du Parti Communiste du Pérou. Il tire de ces essais des leçons essentielles pour la société péruvienne. Dans les textes de Mariatégui, on trouve les réponses aux questions brûlantes du Pérou : l’économie du pays, le problème de la terre, la situation des indigènes, le facteur religieux… Déjà très jeune, Abimael Guzman se forme au marxisme, il assimile l’importance de s’organiser pour résoudre les problèmes de la société péruvienne à travers la voie révolutionnaire.
En 1962, il s’installe durablement à Ayacucho, dans les Andes péruviennes. Au milieu des montagnes, il voit tout autour de lui la misère de la majorité de la population du pays. Encore aujourd’hui, la région d’Ayacucho compte plus de 70 % de taux de pauvreté. Il apprend la langue des populations indigènes locales, se lie avec de nombreux jeunes venus étudier. Grâce aux programmes du Parti Communiste de Chine, il voyage dans la Chine Rouge en 1965 et apprend directement auprès des révolutionnaires, des ouvriers et des paysans chinois. Puis il y retourne au début de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne et découvre la Pensée Mao. Ces voyages, qu’il qualifie « d’inoubliables » le conduisent à réétudier Mariatégui, et à son retour au Pérou, avec ses camarades, ils entament le « travail sérieux », c’est-à-dire la préparation concrète de la révolution.
Pourquoi le Président Gonzalo est-il si important pour les révolutionnaires du monde entier ?
Pendant des années, de manière méthodique, le Camarade Gonzalo, son nom de Parti, forme la fraction du Parti Communiste du Pérou à partir d’Ayacucho. Accompagné par d’autres grands camarades comme Augusta La Torre, la Camarade Norah, il mène la lutte sans arrêt pour le Parti. A cette époque au Pérou, des soi-disant « communistes » souhaitent liquider les perspectives d’une révolution, se ranger derrière les soviétiques, ou bien lancer une insurrection inspirée par Cuba. Face à toutes ces idées incorrectes, Gonzalo appuie la reconstitution du Parti Communiste du Pérou tout au long des années 1970. Enfin, en 1980, cette reconstitution est complète, et le 17 mai, la guerre populaire est lancée avec l’incendie d’urnes électorales dans le village de Chushi.
Celle-ci se répand comme une traînée de poudre. Elle organise principalement les paysans pauvres, d’abord à Ayacucho, et bientôt, dans toutes les régions du Pérou. Dans les villes du Pérou, où sévit la crise économique, dans les bidonvilles, le mouvement révolutionnaire s’installe, parvient à mener la guerre populaire. Le Camarade Gonzalo devient connu sous le nom de Président Gonzalo, Président du Parti Communiste du Pérou, homme le plus recherché par tous les services de police du pays et par les services secrets, notamment américains.
Les paysannes et paysans, principalement les pauvres, les ouvrières et ouvriers, les étudiantes et étudiants… la révolution au Pérou unit sous la direction du prolétariat les larges masses péruviennes, et le Président Gonzalo est reconnu comme son dirigeant. Le Parti Communiste du Pérou libère de larges zones, où une nouvelle République populaire s’organise. Dés 1983, l’État péruvien réagit en envoyant l’armée écraser la révolution, en tentant d’organiser des groupes de paysans riches réactionnaires pour commettre des massacres.
Les médias bourgeois, qui ont tous parlé du Président Gonzalo le 11 septembre 2021, le jour de sa mort, rapportent mensonge sur mensonge à son sujet. Ils cherchent à détruire l’histoire de la révolution au Pérou, à salir son nom. Ainsi, on a pu lire en France que le Président Gonzalo serait le « Pol Pot des Andes », responsable de « 70 000 morts » ou d’autres absurdités.
Dans la guerre populaire, le premier criminel, c’est l’État péruvien et ses maîtres impérialistes, en premier lieu les américains. Avec leurs opérations de contre-insurrection, ils ont commis de nombreux massacres. Par exemple, en 1986, où l’État péruvien a bombardé ses propres prisons et tué plusieurs centaines de révolutionnaires et de communistes car ils avaient su utiliser la prison pour faire de l’agitation et continuer la lutte pour la guerre populaire, même enfermés ! Ou encore lors de la présidence du dictateur Fujimori, dans les années 90, quand plusieurs centaines de milliers de femmes et d’hommes indigènes ont été stérilisés de force afin d’éviter qu’ils ne « fassent naître des révolutionnaires ». Voilà qui sont les vrais terroristes, et pas les paysans péruviens qui se soulèvent contre leur oppression.
Les mensonges au sujet de la révolution au Pérou et du Président Gonzalo proviennent des institutions bourgeoises, car pour la première fois au Pérou, elles ont été durablement menacées. C’est le poids que doivent porter tous les révolutionnaires. L’écrivain soviétique Gorki disait de Lénine, le grand communiste russe : « Et si la nuée de haine qu’il a suscitée, la nuée de mensonges et de calomnies amassés autour de son nom, était encore plus épaisse, peu importe : il n’est pas de force qui puisse obscurcir le flambeau levé par Lénine dans les ténèbres étouffantes du monde en démence ». Lénine a mené la révolution au beau milieu de la boucherie de la Première Guerre Mondiale. Gonzalo a mené la révolution alors que la bourgeoisie toute entière proclamait que le communisme était mort avec la chute de l’URSS. C’est cela qui inspire dans tous les pays du monde.
La guerre populaire au Pérou a jeté par terre le vieil État, et 40 ans après, celui-ci est toujours en crise. Aujourd’hui encore, la défense de la révolution, la défense du Président Gonzalo, tout cela est durement réprimé par l’État péruvien. La révolution hante toujours les esprits des classes dominantes au Pérou, car celle-ci leur a passé la corde au cou. Encore aujourd’hui, les communistes du Pérou portent de la révolution initiée en 1980. Voilà pourquoi le Président Gonzalo est si important : il fait partie de ces grands dirigeants qui ont poussé jusqu’au bout et initié un grand mouvement révolutionnaire.
Que devons-nous apprendre du Président Gonzalo ?
En 1992, lorsqu’il a été capturé avec des membres du Comité Central du Parti Communiste du Pérou, la vie du Président Gonzalo était en danger. Comme dans de nombreuses autres révolutions, l’objectif de l’État péruvien était de mettre un terme à l’influence de Gonzalo. En Turquie par exemple, le grand dirigeant Ibrahim Kaypakkaya avait été tué par l’État après son arrestation. Le 24 septembre 1992, devant toutes les télévisions du Pérou et du monde, le Président Gonzalo est présenté, habillé en habit rayé de prisonnier, dans une cage. C’était une tentative d’humiliation. Mais le Président Gonzalo a su retourner le plan de la bourgeoisie contre elle-même. Il a profité de cette occasion pour donner un discours dans lequel il a dit : « Nous nous battons dans ces tranchées parce que nous sommes communistes ! Nous nous battons aussi parce que nous défendons les intérêts du peuple, les principes du Parti et les idéaux de la guerre populaire ! C’est ce que nous faisons, ce que nous sommes en train de faire et ce que nous continuerons à faire ! Nous sommes ici dans des circonstances que certains considèrent comme une grande défaite. Ils rêvent. Aujourd’hui, nous leur disons que c’est à peine un détour sur la route. Rien d’autre ! Un détour sur la route. Et même si la route est longue, nous la traverserons complètement. Nous arriverons à notre but et nous gagnerons ! Vous le verrez ! ».
C’est cette vérité, que la lutte est prolongée, que les embûches sur la route de la révolution ne sont que des détours vers la victoire, qui résonne avec le Président Gonzalo. Pendant les 29 années qui ont suivi, le Président Gonzalo a été enfermé à double-tour sur une base militaire navale. L’État péruvien a tenté de lui enlever toute expression, de le museler, de le conduire à la mort par des mauvais traitements, le harcèlement judiciaire etc. Au sein du Parti Communiste du Pérou, des lignes liquidatrices sont apparues, soutenues par des « dirigeants » qui se sont révélés renier la révolution. Ils ont accompagné directement et indirectement l’État péruvien et les impérialistes américains dans la répression de la guerre populaire, qu’ils veulent enterrer complètement. Mais à ceux-là, le discours donné par Gonzalo répond : la seule ligne juste est celle de la lutte révolutionnaire jusqu’au bout, contre le défaitisme.
Le Président Gonzalo a donné au prolétariat international une contribution essentielle : il a porté l’unité derrière le maoïsme, la troisième et supérieure étape du marxisme, pour le monde entier. C’est grâce à la guerre populaire prolongée au Pérou que des communistes partout se sont formés, comme en France le Camarade Pierre. Défendre le Président Gonzalo, c’est donc défendre le maoïsme.
Sur le plan idéologique, le Président Gonzalo a développé la compréhension philosophique du marxisme, il a affirmé la thèse du Président Mao sur le capitalisme bureaucratique, la guerre populaire, la révolution culturelleet sur bien d’autres points, il a donné des leçons universelles sur le Parti et la révolution dans le monde entier. Reprenant le flambeau de Mariatégui, il a développé la pensée-guide pour une révolution au Pérou, la Pensée Gonzalo. Tout cela, il l’a fait principalement en étant immergé dans la lutte de classes dans son pays et dans le monde entier, en reconstituant le Parti et surtout en entreprenant la guerre populaire au Pérou.
Voilà pourquoi les communistes du monde entier célèbrent le Président Gonzalo. Citons à nouveau Gorki, car ses paroles à propos de la mort de Lénine résonnent dans notre hommage au Président Gonzalo : « Les héritiers de sa raison et de sa volonté sont vivants. Ils vivent et travaillent avec succès, comme jamais personne, nulle part dans le monde, n’a travaillé. ». Celles et ceux qui se lèvent et marchent sans compromis sur la voie de la révolution sont toutes et tous dignes de sa succession.