Avec la crise du covid-19, les puissances impérialistes mobilisent de nouveau leurs institutions internationales avec des initiatives visant à préserver leurs intérêts dans les pays opprimés et le statu quo. Le 2 août 2021, le conseil d’administration du Fond Monétaire Internationale (FMI) a approuvé une allocation générale de 456,5 milliards de droits de tirage spéciaux (DTS, un avoir de réserve international, 1 DTS = 1,42 $) afin d’apporter de l’aide en termes de relance économique et de liquidité (la facilité avec laquelle un actif peut être échangé, contre une devise par exemple) à la suite de la crise du covid-19. Les DTS sont des créances ou une forme de crédit en devise attribuées par le FMI aux pays membres, leur permettant de les échanger pour leur équivalent dans les cinq devises les plus importantes (le dollar étasunien, l’euro, le yen japonais, la livre sterling britannique, et le yuan chinois). L’allocation du 2 août représente 550 milliards en euro, dont 28 milliards d’euros pour l’Afrique. Les DTS permettent aux pays membres, notamment les pays plus pauvres, d’accéder plus facilement à des devises essentielles pour le commerce international. Pourtant, cette « aide » est fondée sur un système financier international bénéficiant surtout les puissances impérialistes au dépit des pays les plus opprimés. Il est basé sur des décennies d’accumulation de dette qui renforce l’influence politique des créanciers impérialistes dans le monde qui exploitent leur position avantageuse en prêtant avec des intérêts. Dans des périodes de crise accrue, les impérialistes se trouvent dans l’obligation de jeter une bouée de sauvetage aux pays les plus touchés afin de protéger l’intégralité du système financier. Bien sûr, cela se fait toujours au nom de la lutte contre la pauvreté et pour le développement économique.
Le FMI et la Banque mondiale : outils indispensables du système impérialiste
Le rôle officiel du FMI est de stabiliser le fonctionnement du système monétaire en imposant celui basé sur le dollar étasunien et en attribuant de l’aide à certains pays pour accéder aux devises nécessaires pour le commerce international. Quand un pays n’a pas les capitaux pour se développer ou est en crise économique, c’est la Banque mondiale qui intervient avec des prêts pour des projets de renouvellement économique. Ces deux institutions partagent un aspect idéologique important qu’ils appliquent à travers des conditions pour accéder à leurs aides. Ces conditions sont les programmes d’ajustement structurel, consistant en de nouvelles politiques libérales, telles que la suppression d’importantes subventions sur des produits essentiels ainsi que la privatisation d’entreprises publiques au profit d’investissements étrangers.
Or, ce n’est qu’en étudiant le rôle historique de ces institutions qu’il nous est permis de les comprendre d’une façon plus concrète. Le FMI et la Banque mondiale ont été créés en 1944 lors de la conférence de Bretton Woods en tant qu’instruments pour renforcer l’économie mondiale à la suite de la Deuxième Guerre mondiale. Avec la fin de la reconstruction d’après-guerre au début des années 70, le FMI et la Banque mondiale se sont concentrés sur les pays « sous-développés ». Ces pays, pillés par le colonialisme européen durant des siècles, se sont libérés par des luttes de libération nationale, mais n’ont pas disposé des moyens leur permettant de développer des infrastructures et de s’industrialiser. En quête d’un tel soutien matériel, un certain nombre de pays se sont tournés à cette époque vers le social-impérialisme soviétique, tel que Cuba, l’Égypte ou l’Angola. D’autres pays se sont tournés vers l’impérialisme étasunien, tels que l’Indonésie, le Zaïre (aujourd’hui la République démocratique du Congo) et même la Roumanie. À travers le FMI et la Banque mondiale, ces pays pouvaient équilibrer leurs réserves de monnaie et contracter des emprunts, en accumulant des dettes et en payant les intérêts aux pays impérialistes. Dans ce rôle d’institutions de concurrence stratégique contre l’URSS, le FMI et la Banque mondiale n’ont pas hésité à prêter des sommes importantes à des dictateurs corrompus tels que Suharto en Indonésie, Mobutu Sese Seko au Zaïre, et Nicolae Ceausescu en Roumanie. D’énormes sommes d’argent prêtées finiront d’ailleurs par dormir sur les comptes en banque extraterritoriales de ces mêmes dictateurs, alors que leurs peuples en ont payé la facture auprès du FMI ou de la Banque mondiale. Bien qu’aujourd’hui la propagande du FMI et de la Banque mondiale mentionne la corruption comme un obstacle majeur au développement économique, cela n’a pas été un grand frein à leur soutien aux alliés anticommunistes des États-Unis de l’époque.
L’utilisation du FMI et de la Banque mondiale comme des armes politiques a été démontrée en décembre 2008, quand Wikileaks a porté au public le « Manuel de terrain 3-05.130 Forces d’opérations spéciales de l’armée Guerre non conventionnelle » de l’armée étasunienne, initialement publié en septembre 2008. Dans la section « Instrument financier du pouvoir national étasunien et de guerre non conventionnelle », le FMI et la Banque mondiale sont identifiés comme des institutions influencées par les États-Unis pour mener la guerre économique contre des pays résistants aux intérêts étasuniens. Cette guerre économique est décrite comme un aspect important de la stratégie de guerre non conventionnelle plus large. Un exemple plus récent de guerre non conventionnelle mobilisant les outils financiers internationaux est la campagne étasunienne contre le régime de Nicolás Maduro au Vénézuéla. L’économie du pays en question est systématiquement étouffée par des sanctions étasuniennes. Pourtant, le FMI ou la Banque mondiale ne viennent pas à la rescousse de l’économie vénézuélienne. Alors que le FMI et la Banque mondiale prétendent être des institutions « indépendantes », elles sont en effet sous le contrôle du Conseil de sécurité nationale des États-Unis, à partir duquel les efforts économiques et militaires de l’impérialisme étasunien sont coordonnés.
Avec la désintégration de l’URSS il y a trente ans, le nouveau grand adversaire des États-Unis est la Chine. Les impérialistes étasuniens n’hésitent pas à dénoncer les projets de développement de la « Nouvelle route de la soie » comme des pièges d’endettement pour les pays pauvres du monde entier. Ces dénonciations hypocrites sont les cris de guerre d’un conflit en développement entre les deux plus grandes superpuissances impérialistes du monde. Les deux adversaires utilisent leurs instruments économiques et financiers pour ouvrir des marchés internationaux à leurs capitaux au nom du bien commun.
L’impérialisme et le développement des semi-colonies : une incompatibilité
Enfin, même la nouvelle allocation de DTS par le FMI n’est qu’une façon pour les puissances impérialistes de faire faire du profit au moyen de leurs grandes réserves de monnaie, en forçant les pays pauvres de s’endetter et de payer des intérêts. L’existence d’un ordre économique dans lequel les pays pauvres sont limités par les moyens monétaires de participer au commerce international fait preuve de l’injustice de la « gouvernance mondiale ». C’est avec la dépossession et l’exploitation des peuples opprimés des Amériques, de l’Asie et surtout de l’Afrique que les premières puissances impérialistes ont pu accumuler leurs richesses. Aujourd’hui, cette exploitation continue sous le système capitaliste-impérialiste. Après plus de 50 ans « d’aide » apportée par le FMI et la Banque mondiale, les pays opprimés ne sont devenus que des semi-colonies incapables de répondre aux besoins de leur population, et ce d’autant plus au moment d’une pandémie. Pourtant cette réalité sombre est bien connue par les masses révolutionnaires du monde entier. Déjà en 1968, Kwame Nkrumah, dirigeant révolutionnaire du mouvement indépendantiste ghanéen, avait écrit dans le Manuel de guerre révolutionnaire que « Les trois composantes essentielles du néo-colonialisme sont :
1. Exploitation économique
2. Gouvernements fantoches et États clients
3. Assistance militaire
4. “Aide” économique. »