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Cet article se base sur le texte publié en 1974 au Pérou par le Movimiento Femenino Popular. Il est disponible sur la Bibliothèque Marxiste (bibliomarxiste.net) et nous vous invitons à le lire.
Premièrement, le texte met en avant la nécessité pour la révolution d’organiser les femmes. En prenant l’exemple de la Révolution française, on fait le lien entre les avancées du peuple dans la révolution et les avancées des femmes. Lorsque le peuple gagne des droits et des victoires, les femmes sont à l’avant et en gagnent aussi. Au contraire, lorsque la contre-révolution progresse, les femmes sont les premières à voir leurs conquêtes être reniées. C’est un point particulièrement important à comprendre et qui permet d’expliquer les obsessions patriarcales des réactionnaires, et la nécessité de lier fermement la lutte des femmes avec la lutte révolutionnaire :
« La Révolution française, la plus avancée de celles menées par la bourgeoisie, a été un grand aliment pour l’action féministe. Les femmes se sont mobilisées avec les masses, et en participant aux clubs civiques, elles ont développé des actions révolutionnaires. Dans ces luttes, elles ont organisé une “Société des femmes révolutionnaires et républicaines” et, par l’intermédiaire d’Olympe de Gouges, elles ont réclamé en 1789 une “Déclaration des droits de la femme” et ont créé des journaux comme “L’Impatient” pour exiger l’amélioration de leur condition. Dans le développement du processus révolutionnaire, les femmes ont obtenu la suppression des droits du premier né de sexe masculin et l’abolition des privilèges masculins, et elles ont également obtenu l’égalité des droits de succession avec les hommes, ainsi que le divorce. Leur participation militante a donc donné quelques fruits.
Mais une fois la grande poussée révolutionnaire stoppée, les femmes se sont vu refuser l’accès aux clubs politiques, leur politisation a été supprimée, et elles se sont vues blâmées et exhortées à rentrer chez elles. […]
Dans la Révolution française, nous pouvons déjà voir clairement comment les progrès des femmes et leurs revers sont liés aux progrès et aux revers du peuple et de la révolution. C’est une leçon importante : l’identité des intérêts du mouvement féministe et de la lutte populaire, et comment le premier s’inscrit dans le second. »
Deuxièmement, le texte nous propose une définition de ce qu’est être une « femme ». Pour le marxisme, il n’y a pas de nature humaine, et donc pas de « nature féminine ». Il faut chercher la raison de la condition des femmes ailleurs :
« Tout comme le marxisme considère l’être humain comme une réalité concrète historiquement générée par la société, il n’accepte pas non plus la thèse de la “nature féminine”, qui n’est qu’un complément de la soi-disant “nature humaine” et donc une réitération que la femme a une nature éternelle et immuable ; aggravée, comme nous l’avons vu, parce que ce que l’idéalisme et la réaction entendent par “nature féminine” une “nature déficiente et inférieure” par rapport à l’homme.
Pour le marxisme, les femmes, tout autant que les hommes, ne sont qu’un ensemble de relations sociales, historiquement adaptées et changeantes en fonction des changements de la société dans son processus de développement. La femme est donc un produit social, et sa transformation exige la transformation de la société.
Lorsque le marxisme se concentre sur la question des femmes, il le fait donc d’un point de vue matérialiste et dialectique, d’une conception scientifique qui permet effectivement une compréhension complète. Dans l’étude, la recherche et la compréhension des femmes et de leur condition, le marxisme traite la question de la femme par rapport à la propriété, à la famille et à l’État, puisque tout au long de l’histoire, la condition et la place historique des femmes sont intimement liées à ces trois facteurs. »
Ce qui est déterminant dans cette conception, c’est l’origine du patriarcat dans le renversement du droit maternel : avec l’héritage de père en fils, les femmes sont jetées hors des relations de propriété, c’est-à-dire hors de la société. Elles deviennent elles-mêmes, dans de nombreuses sociétés, un objet de propriété. Le texte cite Engels :
« Le renversement du droit maternel a été LA GRANDE DÉFAITE HISTORIQUE DU SEXE FÉMININ À TRAVERS LE MONDE. L’homme s’empara aussi des règnes de la maison ; la femme se vit dégradée, transformée en servante, en esclave de la lascivité de l’homme, en simple instrument de reproduction.” »
« Ce paragraphe d’Engels pose la thèse fondamentale du marxisme sur la question de la femme : la condition de la femme est étudiée dans le cadre des relations de propriété, sous forme de propriété exercée sur les moyens de production et dans les relations productives qui en découlent. Cette thèse du marxisme est extrêmement importante car elle établit que l’oppression attachée à la condition féminine a pour origine la formation, l’apparition et le développement du droit de propriété sur les moyens de production, et donc que son émancipation est liée à la destruction dudit droit. »
Le texte développe ensuite l’analyse de la condition des femmes à travers l’histoire, de la famille etc. Maintenant qu’il a été établi que les progrès du mouvement des femmes sont liés à la révolution, et qu’il est nécessaire d’abolir la propriété privée pour obtenir la libération complète, le texte pose la question de la position sur le féminisme : « Pour le marxisme d’hier comme d’aujourd’hui, la politisation de la femme est la question clé de son émancipation, et les classiques y ont consacré une attention particulière. »
Par rapport au mouvement des femmes, le MFP le lie avec l’analyse du grand marxiste Mariatégui :
« En ce qui concerne le FÉMINISME, Mariátegui soutient qu’il n’émerge “ni artificiellement ni arbitrairement” parmi nous mais qu’il correspond à l’incorporation des femmes dans le travail manuel et intellectuel ; dans cette optique, il souligne principalement que le féminisme se développe parmi les femmes qui travaillent en dehors du foyer, et fait remarquer que les environnements adéquats pour le développement du mouvement féministe sont les salles de classe des universités et les syndicats. Il énonce ensuite la directive consistant à s’orienter vers ces fronts afin de faire avancer la mobilisation des femmes. […]
Dans Revendications féministes, Mariátegui propose l’essence du mouvement féministe : “Personne ne devrait s’étonner que toutes les femmes ne se réunissent pas en un seul mouvement féministe. Le féminisme a, nécessairement, plusieurs couleurs, plusieurs tendances. Dans le féminisme, on peut distinguer trois tendances fondamentales, trois couleurs de fond ; le féminisme bourgeois, le féminisme petit-bourgeois et le féminisme prolétarien. Chacun de ces féministes formule ses propres revendications de manière différente. La femme bourgeoise unit le féminisme aux intérêts de la classe conservatrice. La femme prolétarienne unifie son féminisme avec la foi des multitudes révolutionnaires dans la société du futur. La lutte des classes – un fait historique et pas seulement une affirmation théorique – se reflète sur la scène féministe. Les femmes, comme les hommes, sont réactionnaires, centristes ou révolutionnaires. Elles ne peuvent, par conséquent, mener toutes le même combat côte à côte. Dans le panorama humain actuel, la classe différencie les individus plus que le sexe”. »
Quelles sont les perspectives du mouvement féministe ? Voilà la réponse du texte :
« C’est suffisamment clair, ce que nous devons nous demander, c’est ceci : Que signifie cette politisation ? Pour le fondateur du Parti communiste, cela signifiait l’incorporation déterminée et militante des femmes dans la lutte de classe, leur mobilisation en même temps que les intérêts du peuple, leur intégration dans les organisations, l’apprentissage individuel de l’idéologie de la classe ouvrière, et tout cela, évalué par et sous la direction du prolétariat. En résumé, il faut intégrer les femmes dans la politique, dans la lutte des classes, sous la direction de la classe ouvrière. »
« « C’est pourquoi un mouvement féministe cohérent cherche à aller plus loin, et sur cette voie, il doit nécessairement se joindre à la lutte du prolétariat. C’est cette compréhension qui a conduit le grande penseur prolétarien de notre pays à prononcer : “Le mouvement féministe semble solidement identifié au mouvement révolutionnaire” et que, bien qu’il soit né du libéralisme, seule la révolution peut permettre au féminisme de se réaliser pleinement […]
Et c’est ainsi que parallèlement à la construction d’une nouvelle société, une nouvelle femme apparaîtra, qui sera “substantiellement différente de celle formée par la civilisation actuellement en déclin”. Ces nouvelles femmes seront forgées dans le creuset révolutionnaire et placeront l’ancien type de femme déformé par l’ancien système d’exploitation dans l’arrière-salle de l’histoire, un système qui se noie désormais, pour la véritable dignité des femmes » »