Le 20 octobre dernier, des révoltes urbaines éclatent suite à l’annonce d’un prolongement de la junte Le gouvernement militaire de transition tchadien, avec à sa tête le fils du défunt tyran, réprime violemment la population.
Sans surprise, le régime a choisi de répondre par le sang. On compte plus de 140 morts parmi les civils, le gouvernement n’en annonçant que 50. S’en est suivie une vague d’arrestations de manifestants dont la captivité et l’isolement ont duré quasiment 2 mois. Mais le gouvernement n’a pas attendu cet épisode morbide pour museler toute forme d’opposition au régime, et cela, fort de son soutien par le gouvernement français. De nombreux opposants, politiques comme issus de la société civile, ont été arrêtés ou tués depuis la prise de pouvoir illégale et anticonstitutionnelle de Mahamat Déby en avril 2021. Et depuis ? Un climat de terreur règne dans le pays avec l’instauration d’un couvre-feu et les habitants doivent vivre avec le deuil de leurs proches morts ou disparus.
Les Tchadiens, en plus d’un déni de leurs droits, subissent de plein fouet une crise du logement due aux inondations, un manque de nourriture et une inflation qui explose. Aux revendications populaires, la seule réponse apportée est le bruit des balles. Les puissances impérialistes, en particulier la France, se gardent bien de dénoncer leurs partenaires économiques : le Sahel et l’Afrique centrale sont des régions stratégiques où chaque allié est précieux ! Ainsi, le fils Déby, après son coup d’État, a profité d’un adoubement immédiat de Macron, venu se recueillir sur la tombe du dictateur père que la France avait déjà aidé à mettre au pouvoir. Le destin du peuple tchadien maltraité ne fait pas le poids face aux gains issus de l’exploitation pétrolière et humaine du Tchad par la France. En échange, elle fournit régulièrement des aides militaires au gouvernement tchadien dans sa lutte contre les groupes rebelles armés sous couvert d’anti-terrorisme. À cela s’ajoutent les nombreux coups de pouce financiers distribués sous le manteau. En 2018, plus 40 millions d’euros ont été attribués aux fonctionnaires tchadiens, où la corruption est monnaie courante.
Face à cette alliance de bourgeoisies compradore1 et impérialiste, le peuple tchadien continue de s’organiser. Des manifestations anti-impérialistes et explicitement anti-France, à l’initiative de la coalition pro-démocratie Wakit Tama, ont vu le jour courant 2022. Celles-ci font échos au vent de contestation contre l’impérialisme français qui traverse le Sahel2 et les semi-colonies3 françaises. Drapeau tricolore piétiné et brûlé, station essence Totale vandalisée, slogans anti-France scandés… Les masses tchadiennes ne sont pas dupes. Elles voient le schéma qui se répète et anticipent la captation du pouvoir par Mahamat Deby, ainsi que le rôle de la France dans le maintien de la dynastie Déby. Elles savent ainsi que leur intérêt est contradictoire avec celui de l’impérialisme français : leur émancipation n’est possible qu’en combattant son emprise.
1 Dans un pays dominé, c’est la classe bourgeoise au service des impérialistes étrangers.
2 Au Burkina Faso, des manifestants ont violemment attaqué l’ambassade de France en octobre. Au Mali, des manifestations massives ont été organisées pendant tout 2022 contre la présence militaire française dans le pays.
3 Une semi-colonie est un pays officiellement indépendant mais sous la domination économique et politique d’un autre État.