Sous couvert d’éducation populaire, l’exploitation dans les colonies de vacances

Nombre de jeunes se lancent chaque année dans l’aventure du Bafa (Brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur), se disant que ça leur fera un job d’été sympa. A priori, l’idée est séduisante : encadrer des enfants ou des adolescents pendant les vacances, sous le soleil, et ce dès 17 ans ! Pourtant, les conditions de travail en coulisse révèlent une exploitation grave des jeunes travailleurs.

Les vacances scolaires sont là. Tout parent qui travaille cherche alors un moyen de faire garder son enfant : c’est là qu’interviennent souvent les nombreux organismes, parfois publics (comme les mairies), souvent privés (Telligo, UCPA, Vitacolo…). Du centre aéré à la colonie de vacances, tous ces modes de garde d’enfants reposent sur le dévouement des animateurs. Ceux-ci doivent avoir passé le fameux diplôme du Bafa, tout ça pour accéder au droit d’être payé au lance-pierre, et ce dès 17 ans ! Le scandale débute dès l’inscription à la formation : il faut compter entre 600 et 700 euros. Après une formation générale en 8 jours, on accède au stage pratique, qui peut être rémunéré au bon vouloir de l’employeur… autant dire jamais. Vient ensuite un stage d’approfondissement – à vos frais cette fois ! – avant d’accéder au diplôme.

Les organismes de formation le présentent comme « un diplôme qui témoigne d’un engagement social et citoyen » : sous couvert du concept d’éducation populaire, les organismes exploitent les animateurs et les directeurs de colonies de vacances. La plupart d’entre eux ne sont pas employés en CDD mais ont un contrat en dehors du code du travail, une spécificité qui est permise par le statut particulier du Bafa : ce sont des « contrats d’engagement éducatif », dont les termes sont scandaleux. Théoriquement, un animateur peut avoir sous sa responsabilité jusqu’à 8 enfants de moins 6 ans (et jusqu’à 12 quand ils sont plus grands). En pratique, c’est toujours le maximum qui est appliqué afin de maximiser les profits. Dans cette même logique, les taux d’encadrement tendent à être augmentés : auparavant, c’était maximum 6 enfants de moins 6 ans. Pour ce qui est des heures de travail, n’espérez pas trouver du repos en colonie de vacances : si la loi prévoit 11 heures de repos quotidien réglementaire, les animateurs travaillent en réalité 24 heures sur 24. De même, les jeunes encadrants sont censés avoir droit à un jour de congé par semaine. Pourtant, dans plein d’organismes, ce jour est supprimé par manque d’animateurs. Tout ça pour la somme exceptionnelle de… 25,34 € bruts par jour.

En parallèle, le nombre d’enfants accueillis en colonies de vacances est en chute libre : en 2016, on compte environ 800 000 enfants contre plus d’un million en 2007. Ils étaient deux fois plus nombreux dans les années 1980. C’est à ce moment-là que les entreprises privées investissent le secteur et misent tout sur la spécialisation. C’est l’essor des séjours « thématiques » : langue, sport, art, nature, sciences… Le secteur, hautement concurrentiel, pousse les entreprises à monter en gamme avec des offres très spécifiques comme l’équitation, la plongée ou encore les séjours à l’étranger. Aujourd’hui, seuls les parents les plus riches peuvent se permettre de mettre 2000 € pour envoyer leur enfant en colonie de vacances pendant une ou deux semaines (tandis que les animateurs sont, eux, toujours plus exploités). Le concept de l’éducation populaire est dénaturé au profit d’une économie de marché où les organismes ont des marges grandissantes. C’est une situation qui en dit long sur la place que l’État bourgeois accorde aux enfants prolétaires. Pour ce qui est de leurs parents, qui doivent assumer la garde durant l’été, seuls des réseaux de solidarité populaire, au sein des quartiers, pourraient alors les soulager de cette charge.

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