L’île Rouge, récit naïf de la décolonisation

Le nouveau film de Robin Campillo, connu notamment pour avoir écrit et réalisé l’excellent « 120 battements par minute », nous délivre le récit des derniers moments de la colonisation de Madagascar du point de vue d’un fils de militaire en poste sur l’île. Un récit qui au final n’abordera pas frontalement la question de la colonisation et de la lutte de libération nationale, sauf pour les 5 dernières minutes, y faisant seulement des références fugaces, si fugaces mêmes qu’elles pourraient passer inaperçues.

Nous suivons donc l’histoire des dernières heures de la colonisation à travers le regard de Thomas Lopez, fils d’un adjudant en poste à la base 181 d’Ivato sur la titulaire Île rouge. L’entièreté du film se passera au sein de cette base, le reste de l’île étant complètement étranger à Thomas, comme si les militaires habitaient « une île dans une île ». La film se déroulant du point de vue d’un enfant dans l’environnement clos d’une caserne militaire nous n’apprenons que peu de choses sur la vie et les luttes du peuple malgache pour finaliser le départ des troupes françaises plus de 10 ans après les accords d’indépendance. Cela force le film à concentrer son propos sur la manière dont les autochtones étaient considérés par les forces d’occupation, à travers des anecdotes dans la vie des adultes autour de Thomas. Ceux-ci sont vu comme des personnages secondaires, qui doivent être tenus éloignés des colons mais dont l’exploitation est nécessaire pour la vie dans la communauté de la base, que ce soit pour faire le service auprès des officiers ou bien pour replier les toiles de parachutes.

Un des points saillants du film est la place des femmes dans la vie des militaires, d’abord du point de vue des adultes blanches autour du jeune protagoniste, petites-bourgeoises oisives mais dépendantes de leurs maris et ne connaissant pas la nécessité. Lorsque les femmes malgaches sont introduites dans le film elles sont présentées comme étant soit des travailleuses soit des prostituées, dans les deux cas au service des militaires de la base. Les membres de la base militaire voient d’un mauvais œil toute interaction avec elles ne rentrant pas dans les cadres de ces deux positions, allant jusqu’à convoquer un exorcisme lorsque l’un d’entre eux entame une relation amoureuse car « elle lui a forcément lancé un sort ». Et lorsque des prostituées se révoltent et passent à tabac des militaires pour des passes impayées, personne ne semble sincèrement s’émouvoir de l’utilisation de chiens comme outil de répression à leur encontre. Tout nous montre dans ce film que les autochtones et particulièrement les femmes sont vues comme corvéables à merci par les militaires.

Ce récit partial et partiel de la décolonisation montre naïvement les mécaniques d’oppression des peuples colonisés par la déshumanisation et l’exploitation par les colons. Tout est en sous-texte, à deviner, presque caché, jusqu’au dernières minutes du film, une fois les colons partis, où la parole des malgaches se libère pour parler, trop brièvement de la violence de ce qu’ils ont vécus.

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