Meurtre de Wanys : « La police tue, on le sait »

« Ils étaient fous de joie. »[1] De son lit d’hôpital, Ibrahim, 19 ans, décrit ainsi la réaction de la BAC d’Aubervilliers le 13 mars dernier. Après avoir percuté le scooter sur lequel lui et son ami Wanys, 18 ans, traversaient l’avenue Roosevelt, la police exprime son allégresse. « Une deuxième équipe a essayé de nous renverser en marche arrière. Ils criaient qu’ils avaient réussi à nous renverser », poursuit Ibrahim. Suite à la collusion, Ibrahim est grièvement blessé. Le jeune Wanys, quant à lui, est tué.

Cette facilité de la police à tuer et à blesser la jeunesse des quartiers ne surprend plus. Dans les quartiers les plus touchés par la répression meurtrière, la nature systémique de ces violences n’est plus à prouver. À Aubervilliers, les habitants sont attristés mais pas choqués : « En fait on savait déjà » nous dit Pablo, 15 ans. « C’est toujours les mêmes pensées, les mêmes paroles à chaque drame… À chaque bavure policière, c’est toujours la même chose » selon Sarah, qui vit à Aubervilliers depuis toujours. Depuis 2020, les meurtres policiers par tir ont doublé[2], sans compter ceux d’autres natures. Ces crimes racistes de la police ont lieu majoritairement dans les quartiers populaires, avec des victimes non blanches, et sont encouragés par un système qui perpétue les violences afin de maintenir l’ordre social. Dans l’affaire Wanys, le motif éternel du « refus d’obtempérer », délit qui dans le discours policier justifie une exécution sommaire, est prétexté par la police. Déjà invoqué et déjà démenti par les images quand le jeune Nahel a été tué en juin dernier, la vidéosurveillance et le témoignage d’Ibrahim donnent tort à la police. Une autre vidéo diffusée dans la nuit du 13 mars montre la police trainant et tabassant Ibrahim, confirmant ses dires. « Quand ils ont vu que j’étais conscient et que j’avais entendu, alors ils m’ont tapé ou essayé de m’étouffer pour que je me rendorme. » Comme l’État garantit l’impunité des policiers qui ne font que remplir leur rôle de chiens de garde, comme ceux d’Aubervilliers, un simulacre d’enquête a été confié à l’IGPN.

Lucides, les habitants d’Aubervilliers ne semblent rien espérer de la part de la justice bourgeoise, des médias ou du pouvoir politique. « J’ai l’impression que les médias essaient d’étouffer cette affaire, y’a pas de gens qui en ont entendu parler, ça a été dit à la ramasse vite fait : “un jeune à Aubervilliers s’est fait tuer”. Quand on entend Aubervilliers, on va pas… on s’en fout en fait » nous confie, Omar, 15 ans. « C’est la même chose que tout ce qui s’est passé avec Nahel, oui la police tue ça c’est une évidence, et voilà il faut combattre ça » rajoute Pablo. Cet esprit combatif s’est matérialisé avec plusieurs nuits de révoltes à la Courneuve et à Aubervilliers. Le soulèvement des quartiers, qui s’inscrit dans la même lignée que les glorieuses révoltes de juin, révèle la juste colère de toutes les générations du quartier. Des mères de familles aux lycéens, tous se montrent solidaires et organisent leur auto-défense face à la police. La répression des révoltes de juin, le système médiatique, le discours de l’État bourgeois, plus rien ne fait peur à un prolétariat qui a décidé de rendre coup pour coup.


[1] « EXCLUSIF. “Ils ont fait exprès, c’était volontaire.” le jeune homme blessé dans la collision mortelle entre un scooter et la police à Aubervilliers témoigne », France 3 Paris Ile-de-France, 19 mars 2024.

[2] « Le nombre de personnes tuées par un tir des forces de l’ordre a doublé depuis 2020 », Basta!, 28 juin 2023.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *