Le premier conflit généralisé entre des puissances impérialistes, la Première Guerre mondiale, visait à défendre les intérêts des différentes bourgeoisies impliquées dans le partage du monde et la lutte pour l’hégémonie. Cette lutte s’est faite sur le dos du prolétariat, embrigadé dans une entreprise nationaliste à défendre des intérêts qui ne sont pas les siens. Malgré des directions syndicales et politiques complices, vendues à la défense de la bourgeoisie derrière une façade de nationalisme ou bien perdues dans des tentatives de résolution diplomatiques du conflit, la résistance face à la barbarie du conflit a quand même réussi à s’exprimer, à travers notamment des épisodes de grèves pour la paix.
La mobilisation importante des jeunes hommes prolétaires vers les tranchées plonge dans la précarité un nombre important de foyers qui jusque-là subsistaient sur un seul salaire. De nombreuses femmes se retrouvent alors forcées de reprendre les postes laissés vacants par le départ des hommes pour le front. Avec cette féminisation massive de l’industrie vient aussi une pression plus forte des revendications féministes, notamment pour l’égalité salariale. En 1915 on peut noter que les salaires des femmes affichent environ 30 % de différence avec ceux des hommes à poste équivalent. Au sein de la CGT se monte le « comité intersyndical contre l’exploitation des femmes » en 1915, avec pour objectif de porter les revendications féministes des ouvrières. Ce comité et les revendications qu’il porte ne rencontrent pas un bon accueil auprès des directions syndicales et des ouvriers masculins, qui ont peur de perdre leurs postes et d’être renvoyés au front. Les femmes doivent donc organiser seules leur lutte et leurs mobilisations.
C’est dans ces conditions qu’une première grève est menée en mai 1915, démarrant chez les ouvrières du textile à Paris. Elles parviennent après plusieurs jours de grève ininterrompue à faire plier leurs patrons et à obtenir ce qu’elles demandent, à savoir une augmentation salariale et la diminution de leur temps de travail. Cette première victoire ouvre la voie à d’autres mobilisations dans d’autres branches et d’autres industries. On assiste alors à une grève « généralisée », caractérisée par plusieurs vagues de mobilisations indépendantes, issues de branches différentes mais toutes avec des revendications similaires : l’augmentation des salaires, la réduction du temps de travail et le retour des hommes du front. Le 29 mai la mobilisation commence à toucher aux entreprises d’armement et à menacer directement la capacité pour la bourgeoisie française de se maintenir dans le conflit. Le ministre de l’Intérieur intervient donc directement pour faire plier le patronat face aux revendications des grévistes et ainsi permettre la poursuite de « l’effort de guerre » ; une augmentation d’au moins 50 centimes et la semaine de 5 jours et demi sont obtenus pour l’ensemble des branches mobilisées.
La contestation s’était jusque-là construite en dehors du giron des syndicats et à la suite de ce premier mouvement de grève, les femmes les intègrent massivement (elles représentent 37 % des adhérents à la CGT Métaux en 1917 !). Elles continuent au sein de ceux-ci de mener des grèves et des mutineries jusqu’à la fin de conflit. Au cours de l’année 1917 par exemple, on peut compter presque 700 grèves déclarées dans différents secteurs d’activité ! Les femmes, intégrées aux forces productives, ont su s’organiser efficacement dans leur contestation pour faire plier la bourgeoisie, œuvrant pour l’émancipation des femmes.