A propos du boycott actif des élections

Sur les formes de lutte à notre époque.

Notre journal, Nouvelle Epoque, participe activement au boycott de manière pratique, mais aussi théorique. Comme nous le disions dans un article précédent, le boycott actif de la mascarade électorale participe à la reconstruction d’une classe ouvrière autonome et consciente d’elle-même. C’est l’unique enjeu de notre époque, et celui-ci exige une rupture idéologique, politique et organisationnelle radicale. Le boycott est une des armes, une forme de lutte, qui sert ce but.

Lénine en 1906 dans “La guerre de partisans” nous expose la façon dont nous devons penser les formes de luttes dans le mouvement d’émancipation du prolétariat :

« En premier lieu, le marxisme se distingue de toutes les formes primitives de socialisme en ce qu’il ne lie pas le mouvement à une seule forme de lutte.  Le marxisme admet les formes les plus diverses ; il ne les  » invente  » d’ailleurs pas, mais se borne à généraliser, organiser, rendre conscientes les formes de luttes des classes révolutionnaires qui apparaissent d’elles-mêmes au cours du mouvement. Ennemi de toutes les formes abstraites, de toutes les prescriptions doctrinales, le marxisme exige que l’on s’attache à la lutte des masses (…) Le marxisme, en ce sens, apprend, si l’on peut dire, de la pratique des masses, loin de prétendre enseigner aux masses les formes de lutte inventées par les « systématiciens » de cabinet »         .

Et il ajoutait, et c’est extrêmement important pour comprendre la politique à mener à notre époque :

  » Et en second lieu, le marxisme exige que la question des formes de lutte soit considérée d’un point de vue absolument historique « [1]

Cela signifie que nous devons étudier les formes de luttes qu’a utilisé le prolétariat depuis 170 ans en rapport avec notre époque actuelle.

Dans l’Histoire, le prolétariat a utilisé les élections comme instrument pour propager le marxisme dans de larges masses. Mais à partir de la révolution d’Octobre, c’est la révolution prolétarienne qui devient l’ordre du jour.

Notre moment est l’époque de la seconde crise générale de l’impérialisme (stade suprême du capitalisme), sa phase de décomposition, les formes de luttes doivent être en adéquation avec celle-ci. Les élections servent à cacher le caractère de classe du système mais aussi à domestiquer les masses. « Il n’y a pas d’autres voie que les élections pour changer les choses », voilà le message que nos maîtres veulent que nous ingurgitions.

Si nous regardons les formes de lutte qu’a utilisé le prolétariat ces 20 dernières années, nous voyons que les élections n’en font pas partie. Le prolétariat utilise la grève, la manifestation, l’émeute, le blocage économique, l’insoumission ; en aucun cas nous ne trouvons ces dernières années une quelconque bataille électorale où le prolétariat est présent comme classe active. Depuis les grandes grèves de 1995, en passant par la révolte des banlieues en 2005, le tout aussi grand mouvement des Gilets Jaunes, et tous les mouvements sociaux ces dernières décennies, pas une seule fois les élections ne figurent à l’ordre du jour. Au contraire, les élections revêtent à chaque fois “l’horizon cosmologique”[2] des vastes mouvements qui caractérisent la lutte des classes en France. C’est l’endroit où les opportunistes tentent de faire échouer la lutte des classes.

Si nous écoutons Lénine, et en tant que grand dirigeant révolutionnaire il le faut, nous devons “ généraliser, organiser, rendre conscientes les formes de luttes des classes révolutionnaires qui apparaissent d’elles-mêmes au cours du mouvement”. Il ne faut en aucun cas tenter d’en créer de nouvelles, ou d’en réactiver certaines qui ont été maintes fois néfastes pour le prolétariat, comme les élections mais aussi les aventures inssurectionnalistes. Notre tâche est donc de systématiser les enseignements des luttes les plus intenses de ces 20 dernières années. Nous devons en retirer les bons aspects et les “systématiser”, c’est à dire les utiliser à chaque nouveau mouvement en montrant aux masses le bon chemin, pour simplement ne pas perdre de temps. La révolte des banlieues a été un tournant : tous les opportunistes se sont retrouvés pris au piège de leurs propres chimères. Ils pensaient avoir les idées et voyaient les masses comme trop arriérées politiquement ; au final, c’était elles qui étaient les plus avancées, et de loin. Pendant des années, les opportunistes ont parlé au nom des masses des “banlieues” pour soi-disant les défendre. Quand elles se sont mises en mouvement, bien peu ont assumé l’Histoire.

Les Gilets Jaunes ont été marqués par ce même phénomène : les masses en révolte n’ont pas choisi des leaders des partis opportunistes (“révolutionnaires” ou non) mais leurs propres dirigeants, bien plus conscients du moment. Bien entendu, dans ces leaders, des opportunistes étaient présents, mais la majorité était sincères et déterminés, car ils vivaient la même réalité que les masses qu’ils défendaient. Les organisations qui se proclament révolutionnaire devraient réfléchir en profondeur à ces faits.

C’est pour cela que nous combattons âprement ceux qui se proclament révolutionnaires et qui vont aux élections. Ce n’est pas par plaisir, ou pour faire les rebelles, mais par compréhension de l’époque et du marxisme. Avec suffisance, ils sont beaucoup à nous traiter de “gauchistes”, mais au fond ils savent que leur démarche est aberrante et que ce que nous disons est juste. Ils dénoncent dans leur programme le système bourgeois et la Ve République, et en même temps ils participent consciemment à la grande entreprise de légitimitation du système de classe. Ils se voilent la face en disant que les temps ne sont pas mûrs pour la Révolution, alors que les 20 dernières années dans le monde et chez nous ont montré que c’est maintenant qu’il faut s’acharner à la reconstitution d’une organisation du prolétariat indépendante de la bourgeoisie.

Il faut du temps pour que les choses s’éclaircicent. Ce que nous disons aujourd’hui dans quelques années paraitra logique et évident pour le plus grand nombre. Nous assumons d’aller à contre-courant, c’est la seule façon de sortir la classe du marasme dans lequel le révisionnisme et l’opportunisme l’a plongé.


[1] V.I. Lénine. La guerre de partisans. 1906

[2]horizon cosmologique: En cosmologie, l’horizon cosmologique est la limite de l’Univers observable depuis un point donné (en général la Terre)