Depuis les décolonisations, les griffes de l’impérialisme français ne lâchent plus ses anciennes colonies d’Afrique. Au système colonial officiel s’est depuis substitué un système mafieux où les monopoles français et les élites africaines complices font affaires sur le dos des masses, exploitant au maximum les travailleurs et les ressources. Quand un problème politique devient trop préoccupant dans le système, la « cellule africaine » de l’Élysée entre dans l’équation, décidant de la liquidation d’un dirigeant ou d’un opposant gênant, ou encore de perturber à son avantage un pan ou un autre de l’économie locale. Cette gestion coloniale ne s’est finalement jamais arrêtée et est toujours le quotidien de millions d’Africains qui expriment aujourd’hui leur juste haine des monopoles, de l’armée et de l’État français.
Les institutions coloniales sont aujourd’hui plus que vacillantes. On peut ici citer les trois principales : 1) la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sur le plan économique ; 2) l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) pour la gestion monétaire ; et 3) le « G5 Sahel » pour l’aspect militaire. Derrière ces acronymes se cache un ensemble d’institutions réactionnaires répondant principalement aux intérêts du vieil impérialisme français dans le Sahel. La politique économique de la CEDEAO déroule ainsi le tapis rouge aux grands monopoles français sous prétexte de « développement », suivi d’une politique monétaire (du Franc CFA) directement alignée sur la Banque de France, puis sur la Banque centrale Européenne. Enfin, le G5 Sahel offrait des bases importantes à l’armée française pour sécuriser ses intérêts sous prétexte de lutte contre le terrorisme, appuyée par les armées locales.
Depuis le début des révoltes et coups d’État antifrançais, l’impérialisme français perd progressivement son hégémonie sur place. C’est un pas gigantesque dans la libération des masses africaines qui se joue sous nos yeux. En 2021, c’est la CEDEAO qui commence à craquer, en suspendant le Mali et la Guinée, avec d’importantes sanctions financières. En janvier 2022, c’est au tour du Burkina Faso d’en être suspendu après un coup d’État similaire, alors que le Mali annonce l’expulsion de l’armée française de son territoire, après 9 ans d’occupations et d’exactions. L’impérialisme français prend peur, et joue l’agressivité et la menace. L’ensemble de la classe politique montre les dents, jusqu’au chef de l’opposition « de gauche », Jean-Luc Mélenchon, qui dénonce, applaudi par toute l’Assemblée nationale : « Nous ne méritons que le respect » ; « Nous n’acceptons pas qu’on expulse notre ambassadeur ».
2023 marque le coup de grâce du G5 Sahel. L’alliance militaire est dissoute en décembre par les deux seuls membres restants, la Mauritanie et le Tchad, après que le Burkina Faso et le Niger annoncent quitter l’organisation dans un communiqué commun, comme l’avait fait le Mali l’année précédente. Cette dissolution du G5 marque la chute culminante de l’armée française dans le Sahel en seulement deux ans. Quatre mois plus tôt, Emmanuel Macron faisait planer la menace d’une réponse militaire, d’une guerre, face à l’expulsion annoncée de son armée par le gouvernement du Niger. Ce 28 janvier, la dynamique se poursuit, et le Burkina Faso, le Mali et le Niger annoncent quitter « sans délais » la CEDEAO « sous l’influence de puissances étrangères ».
On pourrait penser que la place prise par les intérêts chinois sur le continent africain ne rendent pas la situation plus simple pour les masses africaines, de même que les groupes de mercenaires russes. C’est en grande partie vrai. Mais la lutte des masses du Sahel a franchi ces deux dernières années un pas de géant en brisant les bases du système économique et politique de la françafrique dans de nombreux pays. Il serait faux de dire que les autres puissances prennent mécaniquement « la place » de la France. La nouvelle concurrence a permis une avancée de premier ordre : briser l’hégémonie régionale de l’impérialisme français par la lutte des masses. C’est une avancée certaine, et on peut affirmer que dans tout développement historique, on ne retourne jamais en arrière, et les masses apprennent toujours de leurs erreurs. Notre siècle sera à coup sûr celui de la libération des peuples d’Afrique.