Dans les années 1960, la lutte est intense au sein du Mouvement Communiste International, entre la poursuite de la défense de la révolution armée et la capitulation légaliste et parlementariste. La première voie, celle du marxisme, est défendue ardemment par le Parti communiste de Chine, avec le Président Mao à sa tête, quand la seconde est portée par la clique révisionniste à la tête du PCUS1. C’est dans ce contexte que les Guerres populaires contemporaines se lancent : en 1967 en Inde, 1969 aux Philippines, puis en 1972 en Turquie. C’est dans ce même torrent révolutionnaire que le Parti communiste du Brésil (PcdoB) décide lui aussi de relever le drapeau rouge et de prendre les armes contre la dictature militaire du maréchal Castelo Branco, soutenu par les États-unis.
En 1968, Pedro Pomar, le principal cadre révolutionnaire de la direction du PCdoB, publie un article important2 sur les apports du Président Mao, de la stratégie de Guerre populaire à la Révolution culturelle, qui anime la lutte du prolétariat en Chine. Cet article va jouer un rôle crucial dans l’assimilation des apports de Mao pour le mouvement communiste brésilien, qui mènent alors la lutte idéologique contre la théorie du « foquisme », qui rayonne sur l’Amérique latine depuis la révolution cubaine3.
Au milieu des années 1960, sous le commandement du communiste Mauricio Grabois, des dizaines de révolutionnaires venus de diverses régions du pays, pour la plupart des jeunes, sont envoyés dans le Pará, État du nord du pays, pour y préparer la future Guerre populaire. Ces militants sont profondément intégrés aux masses de la région, travaillant, vivant et combattant avec elles. La connaissance de la région ainsi que la préparation militaire se fait plus précise au fil des années. C’est le 12 avril 1972 que l’armée brésilienne, alertée de la préparation d’une guérilla dans la région de l’Araguaia (au sud-est du Pará), intervient et déclenche le combat. C’est le début de la Guerre populaire au Brésil.
Les Forces de guérilla sont alors dans les masses « comme un poisson dans l’eau » et organisent alors les masses paysannes dans les noyaux de l’ULDP (Union pour la Liberté et les Droits du Peuple). La première année, la guérilla résiste à deux campagnes d’encerclement et d’anéantissement, faisant battre en retraite l’armée réactionnaire. 13 noyaux de l’ULDP organisent alors près de 90% de la population locale et permettent d’incorporer de nouvelles forces dans l’armée de guérilla. En octobre 1973 débute la troisième campagne d’encerclement du régime brésilien, avec une force de près de 20 000 hommes : la plus importante employée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’ennemi emploi tous les moyens, parmi lesquels la torture, le viol, les techniques d’intimidation violentes (corps pendus aux arbres, têtes et mains coupées, etc.) et l’utilisation d’armes chimiques dans cette campagne d’anéantissement. C’est une déroute totale pour la guérilla, qui voit les dirigeant de la Commission militaire assassinés le 25 décembre 1973.
Trois ans après cet échec, Pedro Pomar présente en 1976 un rapport au Comité central du PCdoB pour tirer un bilan des erreurs stratégiques, en six principaux points. La principale erreurs qu’il souligne est que la conception militaire mise en pratique n’était pas celle d’une Guerre populaire. Il met en avant une division trop stricte entre travail politique du parti et militaire de la Commission militaire, une spécialisation faisant que le parti n’était pas au centre de la direction militaire. Ensuite, le travail politique ouvert auprès des masses n’a commencé qu’après le début des combats, par peur de la répression prématurée. Enfin, la conception stratégique concentrait les combats armés exclusivement dans la zone de la vallée de l’Araguaia, avec une absence totale de complément au sein des villes, creusant l’isolement de la guérilla dans une population restreinte et pratiquement sans expérience d’organisation et de lutte précédente. Ce bilan de l’héroïque guérilla de l’Araguaia guide aujourd’hui les communistes brésiliens pour la reprise de la lutte armée, la direction prolétarienne absolue du Parti Communiste et l’initiation prochaine de la Guerre populaire.
1 Le Parti communiste d’Union Soviétique (PCUS) renie à partir de 1956 les fondements de la défense marxiste de la Révolution prolétarienne, mettant en avant la possibilité d’une « transition pacifique » vers le socialisme.
2 L’article « Grands succès de la Révolution culturelle » est publié dans le journal du PcdoB, A Clase Operaria.
3 Le foco (foyer), ou « Foquisme », est une théorie militariste de la guerre révolutionnaire formulée par Che Guevara puis synthétisée par le français Régis Debray, selon laquelle l’armée révolutionnaire constitue le noyau du Parti communiste (et non l’inverse).
Nos sources principales sont ici tirées de l’article « Guerre populaire, voie de la lutte armée au Brésil » du Centre d’études sur le marxisme-léninisme-maoïsme, cité dans le journal A Nova Democracia en mars 2012, à l’occasion des 90 ans du Parti communiste du Brésil.