Nous publions ici un article du n°75 de la Cause du Peuple, du mois de février 2024.
Au CHU de Pontchaillou, à Rennes, le service de nettoyage est sous-traité. C’est l’entreprise Net Plus qui a récupéré le contrat en 2022, et en a profité pour modifier l’organisation du travail en janvier 2023. L’entreprise bretonne est un géant du secteur, et s’exporte en dehors de la région depuis 10 ans, assurant du service de ménage pour des banques, des bailleurs sociaux, jusqu’à la grande distribution.
Le désastre de l’isolement dans la sous-traitance
Au printemps 2023, plusieurs salariées de l’entreprise travaillant à Pontchaillou parlent d’irrégularités sur leurs fiches de paye, de nombreuses d’heures impayées. Net plus profite du fait qu’une partie de ses salariées (quasi toutes des femmes) ont des difficultés dans la lecture des fiches de paye et du français pour leur extorquer des heures de travail gratuit. Depuis déjà quelques mois, les problèmes s’enchaînent : les cadences augmentent, le matériel est défaillant, on en demande toujours plus et on vire une collègue, on cherche à en faire craquer d’autres avec le surmenage et le harcèlement des petits-chefs. L’objectif de la direction est clair : Faire autant de travail avec moins de main d’œuvre.
Rachida, qui a connu de nombreux arrêts maladie : « Le soir, en rentrant chez moi, je ne vais pas bien du tout ! On nous demande de rester 5 minutes par pièce mais toutes les pièces ne font pas la même taille ! C’est sans pause ! J’y arrive pas ! J’y arrive plus ! […] Dès qu’on n’arrive pas à faire le travail, ils licencient ». Malika poursuit, mise à la porte au début de l’année : « J’ai travaillé 8 mois entre l’été et janvier, et ça se passait bien. Un nouveau chef d’agence est arrivé et m’a dit que j’avais 5 étages en plus, sur le même temps de travail. Il m’a dit que si j’étais pas d’accord, c’était dehors ! Et c’est ce qui s’est passé ! ».
La solidarité de quartier comme moteur
Après plusieurs rencontres entre salariées et des collectifs du quartier de Villejean-Kennedy, un comité de soutien est créé et une première action est planifiée. L’objectif est de viser la direction de l’Hôpital, qui emploie Net Plus. Les réunions s’organisent principalement autour de « Si on S’allait ? », association de lutte et d’entre-aide des habitants du quartier. Plusieurs tactiques d’action sont alors mises en avant : non seulement mettre plus de collègues dans la boucle et constituer une section syndicale CGT (avec le soutien de SUD), mais aussi organiser la pression avec la solidarité des réseaux du quartier, aussi bien sur la direction de Net Plus que sur celle du CHU.
Le 10 octobre 2023, c’est plus d’une cinquantaine de personnes, aussi bien salariées que soutiens, qui envahissent les locaux de la direction de l’hôpital avec du matériel de ménage, pour « aider les camarades de Net Plus qui n’y arrivent plus » et exiger un rendez-vous avec la direction. Après plus d’une heure d’agitation et la négociatrice de la police dans l’impasse, les flics se préparent à faire évacuer par la force. C’est sur la menace de ce désastreux coup de com que la direction de l’hôpital accepte de recevoir des porte-paroles pour un rendez-vous. L’action a été un premier coup de pression pour Net Plus, recadrée par le CHU, rappelant que la réévaluation de sous-traitance contrat tombe prochainement.
Par peur de perdre son contrat, le PDG, Bruno Coeurdray, reçois donc une délégation fin décembre. Il se veut rassurant : il cède sur TOUTES les revendications : réembauche de Malika, fin du harcèlement, réécriture des fiches de poste et diminution de la charge de travail, etc. Un mois après, les changements « sont en cours », avec un second rendez-vous planifié pour fin février. Ce qui est certain, c’est que la situation ne pourra plus rester comme avant. Un mauvais coup de plus, et ce n’est plus 50, mais 100 camarades qui lui feront face.