Nous publions ici un article du n°75 de la Cause du Peuple, du mois de février 2024.
Il y a une démarcation entre le mouvement révolutionnaire et le reste de la « gauche » ou du mouvement social en général : c’est l’optimisme qui est porté à chaque instant.
Pourtant, nous vivons tous dans le même monde : celui où l’Ukraine a été agressée par l’impérialisme russe en 2022, celui où Gaza est sous les bombes depuis la fin de l’année 2023. Nous voyons bien tous les problèmes économiques, sociaux, et bien entendu environnementaux qui s’aggravent et qui causent des catastrophes à tous les niveaux. Nous sommes témoins de la réactionnarisation des États bourgeois, de la montée des forces qui réhabilitent le fascisme comme une alternative viable à la démocratie bourgeoise dont les fondements craquellent.
Tout cela cause, pour une grande partie de la population, une angoisse et un pessimisme très fort. Que peut-on faire ? On descend dans la rue pour manifester, mais rien ne change. On vote, mais rien ne change. On essaie de faire des choses localement, dans son syndicat, son organisation, mais le monde tourne et met à mal nos petits projets.
Du point de vue du prolétariat révolutionnaire cependant, la situation est bien différente. Quand nous voyons les bases de l’impérialisme se contracter, s’écrouler sur elles-mêmes, pourquoi serions-nous alarmés ? Au contraire, nous savons que cela annonce un nouveau monde !
Contexte historique
Pour le comprendre, il faut partir du contexte historique. Au 21e siècle, nous vivons toujours à l’ère de l’impérialisme et des révolutions, initiée au début du 20e siècle. La première grande vague de la Révolution Prolétarienne Mondiale a connu un grand reflux à cause du révisionnisme et la bourgeoisie a vite annoncé la « fin de l’Histoire » quand l’URSS s’est effondrée en 1991.
Cependant, ce reflux est terminé. La lutte de classes est au centre de la politique de tous les pays, et les forces révolutionnaires qui ont traversé la tempête des 30 dernières années sont désormais plus puissantes, plus prêtes, et mobilisent les masses. Ces masses qui, par leurs dizaines de millions, bougent partout et sont capables de renverser des gouvernements, des juntes tyranniques ou des pantins des impérialistes, comme nous l’avons vu en Afrique ou bien en Asie ces dernières années. Il ne manque plus que l’élément conscient pour transformer la rébellion en révolution, pour mettre à bas le vieux système.
Le contexte dans lequel nous vivons, c’est celui de la crise générale de l’impérialisme et de la seconde vague de la Révolution Prolétarienne Mondiale. Ces deux choses vont ensemble : l’impérialisme est un géant aux pieds d’argile, et la lutte des masses est la condition nécessaire pour son effondrement. C’est l’offensive de la Révolution Prolétarienne Mondiale ; pas l’offensive finale, mais la période où, dans tous les pays du monde, de la France au Mali en passant par le Brésil, le prolétariat a une seule mission : prendre le pouvoir pour abattre l’impérialisme.
Dans ce contexte, il y a beaucoup de guerres et de conflits complexes, avec des racines historiques et politiques très différentes. Cela créé un grand chaos, car le niveau de destruction de l’impérialisme est très grand : le budget de l’armée US est aujourd’hui aussi élevé que pendant la Seconde Guerre Mondiale, alors que les USA sont soi-disant en paix. Mais dans ce militarisme, il faut voir la faiblesse de la bourgeoisie. Si son pouvoir était garanti, pourquoi aurait-elle besoin d’un tel arsenal ? Pourquoi préparerait-elle la guerre ? Chaque bourgeoisie veut faire la guerre pour garantir ses propres intérêts, sa part du gâteau, au détriment du reste du monde.
À l’échelle nationale aussi, la société est en bouillonnement, avec tout un tas de contradiction. Il y a des révoltes, de la destruction, de la colère. Est-ce que ces démonstrations de combativité, que nous avons-vu en 2023 pendant la bataille des retraites, Sainte-Soline ou les grands soulèvements de juin, sont mauvaises ou bonnes ? Pour la bourgeoisie, c’est certainement mauvais, et on a vu de multiples interventions de Macron pour condamner la violence et déchaîner la répression. Mais quel est notre avis ?
Il y a 100 ans, dans les campagnes chinoises, la paysannerie se révoltait contre les propriétaires terriens. Cela prenait 1000 formes différentes, très contradictoires, et certains révolutionnaires suivaient la bourgeoisie qui était effrayée par ce mouvement. Voilà ce que le Président Mao en disait à l’époque : « La révolte des paysans a arraché les hobereaux à leur doux sommeil. Dès que les nouvelles en provenance de la campagne ont atteint les régions urbaines, les hobereaux dans les villes se sont agités. A mon arrivée à Tchangcha, j’ai rencontré toutes sortes de gens et entendu bien des racontars. De la couche moyenne de la société à l’aile droite du Kuomintang, tous s’accordaient à caractériser la situation par ces mots : « Ça va très mal ! ». Dans l’ambiance tumultueuse créée par ce que disaient les adeptes de l’opinion « ça va très mal », même des gens tout à fait révolutionnaires se sentaient déprimés quand, fermant les yeux, ils imaginaient ce qui se passait à la campagne, et ils jugeaient impossible de nier qu’en effet ça allait « mal ». Et ceux qui avaient des idées très avancées disaient : « Oui, ça va mal, mais c’est inévitable en période de révolution ». Bref, il n’était possible à personne de nier complètement que ça allait « mal ». La réalité, c’est, comme il l’a été dit plus haut, que les larges masses paysannes se sont soulevées pour accomplir leur mission historique, quand dans les campagnes les forces démocratiques se sont soulevées pour renverser les forces féodales. La classe patriarco-féodale des despotes locaux, des mauvais hobereaux, et des propriétaires fonciers coupables de forfaits forme la base de cet absolutisme qui dure depuis des millénaires, et c’est sur elle que s’appuient les impérialistes, les seigneurs de guerre et les fonctionnaires corrompus et concussionnaires. Le but véritable de la révolution nationale est précisément de renverser ces forces féodales. Pendant quarante ans, le Dr Sun Yat-sen a consacré toutes ses forces à la révolution nationale ; ce qu’il a voulu mais n’a jamais pu réaliser, les paysans l’ont accompli en quelques mois. C’est là un exploit extraordinaire qu’on n’avait jamais réussi jusqu’alors, ni en quarante ans ni même au cours des millénaires. Cela va donc très bien. Il n’y a rien là-dedans qui aille « mal », absolument rien qui aille « très mal ». « Ça va très mal ! » est évidemment une théorie de la classe des propriétaires fonciers pour préserver le vieil ordre féodal et empêcher l’établissement d’un nouvel ordre démocratique ; c’est évidemment une théorie contre-révolutionnaire. Aucun camarade révolutionnaire ne doit répéter cette sottise. Si les conceptions révolutionnaires se sont définitivement affermies en vous et s’il vous est arrivé d’aller à la campagne voir ce qui s’y passe, vous avez dû certainement éprouver une allégresse peu commune. Des milliers et des milliers d’esclaves – les paysans – jettent à terre leurs ennemis qui s’engraissaient à leurs dépens. Ce que font les paysans est absolument juste ; ils agissent très bien ! « Ça va très bien ! » est la théorie des paysans et de tous les autres révolutionnaires. »1 (souligné par nous)
De quoi est fait l’avenir ?
C’est souvent derrière cette question que se cache le pessimisme. Certains croient à l’effondrement, ou ne voient pas comment on pourrait éviter le fascisme et la guerre dans un futur plus ou moins proche. Ils pensent à leurs enfants, à leurs parents, à leurs amis, et sont paralysés par de telles perspectives.
Par rapport à la guerre et aux méfaits de l’impérialisme, nous sommes absolument pour les conjurer, c’est-à-dire s’y opposer frontalement. Mais tant que l’impérialisme existera, la tendance à la guerre existera aussi. Le meilleur moyen de s’opposer à la guerre impérialiste réactionnaire, c’est la guerre révolutionnaire pour le balayer.
Par rapport aux problèmes sociaux et environnementaux multiples, seules les larges masses populaires sont capables de les régler, car elles sont les seules à avoir intérêt à un monde sain et vivable. La bourgeoisie pourra inventer des techniques pour continuer à polluer et quand même « sauver » sa classe pendant que le reste d’entre nous crèvera des particules fines ou des canicules. Seules les masses populaires, et le prolétariat en tête qui fait tourner la société, ont la capacité de transformer l’appareil productif pour le mettre au service de l’immense majorité, ce qui inclut d’arrêter de détruire l’environnement.
Notre meilleure garantie, c’est le poids des masses dans la société. Celui-ci progresse-t-il ou diminue-t-il ? Nous sommes 8 milliards, et plus de 5,5 milliards vivent dans les pays opprimés par les puissances impérialistes, où la révolution est une nécessité immense. Il y 50 ans, nous étions plus de deux fois moins, et quand les Russes ont fait la révolution en 1917, ils n’étaient que 120 millions et sortaient de la guerre la plus meurtrière de l’Histoire.
Tout cela signifie que le poids des masses s’intensifie avec le temps, tendanciellement. La bourgeoisie a beau faire miroiter le mythe d’une classe moyenne, elle ne peut garantir le niveau de vie des masses très longtemps. Si ces milliards d’êtres humains prennent en main leur destinée dans une direction révolutionnaire, le monde entier peut-être transformé et tous les miracles deviendront possibles. Voilà à quoi rime l’optimisme dans la société actuelle.
1Rapport sur l’enquête menée dans le Hounan à propos du mouvement paysan, Mao Zedong