Quel bilan peut-on tirer des nuits de révolte qui ont agité toute la France après la mort de Nahel cet été ? La combativité était au rendez-vous, tout comme des revendications proprement politiques, comme en témoignent les cibles des révoltes (bâtiments d’État) et les slogans écrits sur les murs. Des dizaines de milliers de jeunes prolétaires se sont révoltés, et l’État bourgeois les a appelés des émeutiers. Le « syndicat » de police Alliance a déclaré qu’ils étaient des « nuisibles ».
Pourtant, il faut se rappeler que les « manifestations pacifiques » idéalisées par certains ont toutes pour ancêtres des violentes rébellions, des émeutes. En France, les émeutes de la faim de 1830 ou 1840, ou encore les Canuts de Lyon en 1834. En Angleterre, elles sont trop nombreuses pour être citées. En Allemagne, les « émeutes de la bière » de 1844, où les ouvriers bavarois ont saccagé la ville de Munich car le Roi voulait augmenter la taxe sur la bière. Elles ont d’ailleurs été célébrées par le grand penseur Friedrich Engels qui a écrit : « Si le peuple sait désormais qu’il peut effrayer le gouvernement au sujet de ses impôts, il apprendra bientôt qu’il sera tout aussi facile de l’effrayer sur des questions plus sérieuses. »
Et en France, aujourd’hui, l’État bourgeois a bien compris qu’il devait s’inquiéter de questions « plus sérieuses » que quelques poubelles brûlées. Le gouvernement a donc déchaîné sa contre-attaque en trois axes.
1) La répression immédiate du mouvement
Avec plus de 3 600 arrestations et plus de 1 300 condamnations, plusieurs séries de procès ont eu lieu. D’abord les comparutions immédiates, puis les procès accélérés de juillet-août. On retrouve des chiffres ahurissants en sortie des tribunaux : 95 % de condamnations, une moyenne de 8 mois de prison ferme.
Dans beaucoup de cas, les condamnés sont jeunes, sans casier, et les preuves sont minces. Condamnées pour l’exemple, on estime que 750 personnes ont déjà été envoyées en prison. Elles permettent à la France de fixer un nouveau record : plus de 74 000 prisonniers dans le pays, une première.
2) Développement des mesures de répression préventive et expéditive pour les familles et proches
Fin août, le préfet du Val-d’Oise annonce 29 expulsions de « familles d’émeutiers » de logements sociaux de son département. C’est un coup de communication, en réalité le préfet a mixé d’autres motifs de délinquance pour les expulsions. Mais la réalité est là : après une condamnation en justice, c’est l’État qui condamne à nouveau, et potentiellement plus de personnes encore. En effet, une expulsion, c’est une montagne de problèmes qui s’abat pas seulement sur une personne, mais aussi sur toute sa famille, ou les gens qui partagent le logement.
Toutes les annonces et réformes sur l’école et le « rôle de la famille et de l’éducation parentale » sont dans la même veine. Criminaliser les parents en plus de criminaliser les enfants, créer l’impression que les quartiers prolétaires ne sont que des nids à délinquance où les parents ne s’occupent de rien. Comme si les mères et les pères, eux-aussi, n’avaient pas le droit d’être révoltés par la situation ?
3) Accélération des réformes réactionnaires
Macron l’a annoncé, son projet de « loi immigration » arrive et il est fait pour satisfaire le RN et la droite. Beau programme ! En plus de cette loi, le gouvernement a pour projet de réduire les remboursements de médicaments.
En accélérant ces projets réactionnaires, Macron sait qu’il va augmenter la tension dans le pays. Mais il préfère agir avec des mesures choc, quitte à devoir réprimer, car il lutte contre une crise dont la bourgeoisie française ne peut pas sortir.
Grâce à ces 3 axes, l’État bourgeois pense pouvoir contrôler la situation, éviter que l’état d’esprit des prolétaires ne soit à nouveau en train de bouillir et que la marmite déborde. Mais attention à lui, car l’oppression entraîne toujours la résistance.